Chapitre 12 - Réflexions et décisions

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Ils arrivèrent aussi vite que possible à l'auberge de la Belle Hortense. Tibère et Isaure n'osèrent point l'énoncer mais un soulagement les saisit lorsqu'ils atteignirent la ville : les rues remplies d'animation et de bruit les rassuraient. Ici, ils ne risquaient plus d'être attaqués ou pris en chasse. Quelques badauds fixèrent leur voiture avec des yeux ronds, passant lourdement sur les pavés de pierre, toute branlante et disloquée.

Isaure se mordit la lèvre : sera-t-elle reconnue en descendant de cette voiture ? Elle avait une réputation à défendre, à présent. Se permettre ce genre de folie lui était devenue proscrite ! Tibère, quant à lui, n'avait de cesse de parcourir les alentours d'un regard affolé. Les jointures de ses mains serrées sur les bords de la banquette étaient aussi blanches que l'os.

Finalement, la voiture noire s'arrêta dans un crissement d'enfer et ils sembla à tous, conducteur et passagers que les essieux allaient s'effondrer d'un moment à l'autre. Les chevaux ayant compris que leur destination était atteinte, secouèrent leur crinière en soufflant et tapèrent du pied.

Tout le monde descendit avec empressement, Tibère ne cacha pas sa fébrilité et mis pied à terre en chancelant. Les mauvaises suspensions avaient provoqué un tel roulis qu'il en avait le vertige. Une nausée remonta dans sa gorge et il fit un pas en avant pour régurgiter. Son pied se pris dans le lacet qu'il avait oublié de nouer dans la précipitation de son réveil et il trébucha.

Ses genoux et son front heurtèrent le sol et il vit briller des étoiles devant ses paupières.

— Térence ! s'exclama Isaure en se penchant sur lui. Vous allez bien ?

Sous l'impulsion, elle l'avait appelé par son nom d'emprunt.

— Mon haut le cœur est passé..., marmonna-t-il en se relevant, pris de convulsion.

— Allons, venez là.

Tel un fétu de paille, Isaure l'attrapa et le souleva de terre pour le prendre dans ses bras. Le jeune homme se tortilla, criant d'indignation. Le sang afflua dans tout son visage tandis que le cochet ouvrit la porte de l'auberge avec un air goguenard.

Ils entrèrent dans l'établissement et se dirigèrent vers la tenancière.

Cette dernière les observa arriver avec un air ahuri. D'autres clients, assis dans le petit salon, dévisagèrent ces trois compères d'infortunes : une grande femme, aussi robuste qu'une armoire normande et vêtue tel un homme, tenait serré dans ses bras un jeune homme blond vêtu de soie bleu ciel et vert tendre, et suivie par un homme chauve, au manteau à revers si hauts qu'on ne distinguait que ses yeux.

— Mademoiselle..., chuchota Tibère. Nous sommes observés, faites-moi descendre, je vous en supplie.

— Vous êtes blessé.

— Faites-moi descendre !

A contrecœur, elle le reposa doucement au sol.

— Prenez garde à...

— Laissez-moi ! coupa-t-il d'une voix soudain suraiguë.

— Faites appeler Monsieur Fourchet..., demanda le cochet, qui en avait soupé de cette histoire.

L'aubergiste ouvrit la bouche pour leur demander de patienter dehors mais reconnu finalement Isaure d'Haubersart. Elle se ravisa et haussa les épaules en montant les escaliers. Les nobles avaient de telles lubies étranges !

Ils s'autorisèrent de prendre une table au milieu des autres clients et se jetèrent sur les fauteuils, fourbus.

— Servez-nous un rhum ! ordonna Isaure d'une grosse voix au garçon de la maison.

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant