Chapitre 15 : Rendez-vous à Paris

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Les deux jeunes gens arpentèrent les couloirs du château d'un pas lent.

— Cet étage est le seul où nous logeons, je vais vous montrer la demeure. Veuillez m'en excuser, mais elle n'est point entretenue pour le moment.

Tibère hocha la tête sans un mot. Il savait qu'Isaure ne possédait pas de personnel, mis à part cette nourrice qui devait travailler aux soins de Camille. Avec curiosité, il se laissa guider dans les enfilades de pièces.

La nuit commençait à tomber et la lumière était devenue rare. Malgré les ombres présentes et l'obscurité qui grandissait, il paraissait évident que les lieux avaient besoin de travaux de rafraichissement : les boiseries étaient écaillées par endroit et les sols étaient crasseux. Dans certains salons, les rideaux étaient alourdis par la poussière et les peintures anciennes enduites de saletés. Sans doute était-ce à cause des grandes cheminées et de la fumée qu'elles devaient dégager. Les tapisseries avaient besoin d'être changées par endroit et le mobilier, démodé et dépareillé, témoignait du fait que de nombreux propriétaires s'étaient succédé avant la famille d'Haubersart. Tibère constata cependant que les pièces étaient vastes, lumineuses grâce aux fenêtres et que l'ensemble n'était pas aussi vétuste qu'Isaure le percevait.

Elle le guidait dans un grand salon, doté d'une formidable cheminée en marbre et surmonté d'une cartouche représentant la conversion de Paul.

— Il y a ici de beaux éléments, déclara Tibère en observant le plafond. Les frises et peintures sont en parfait état. Les volumes sont agréables.

— Oui, les précédents propriétaires en ont pris grand soin. La charpente est, grâce à Dieu, en excellente condition, mais la toiture souffre. Elle est le sujet de toutes mes angoisses. Je crains également l'humidité dans les fondations... Nous sommes littéralement entourés d'eau et il faudrait des spécialistes pour évaluer l'étanchéité des murailles. Je vais vous montrer la chapelle, que j'affectionne beaucoup.

Elle le guida encore et, en descendant le large escalier de pierre, le jeune homme devina dans sa démarche toute la fatigue qu'elle avait subie ces derniers jours.

Isaure avait les chevilles qui tremblaient, chaque pas lui coûtait à présent un effort. Les émotions qu'elle ressentait lui faisaient perdre le fil de ses pensées. La mort d'Armand, l'état de Louise, la subite maladie de Camille, la présence de Tibère... Tout cela la perturbait au plus haut point.

Elle arriva dans la chapelle avec soulagement. S'y trouvait un petit autel en marbre travaillé, la statue d'une vierge à l'enfant et trois petits vitraux colorés.

— C'est magnifique ! commenta Tibère en observant les arches de pierre peintes en bleu et or, simulant un ciel étoilé.

— Je la trouve particulièrement belle et réconfortante, murmura Isaure, avant de se mettre à prier.

Elle confia au Seigneur ses inquiétudes et demanda à ce qu'il accompagne Louise dans sa douleur et qu'il la soutienne pour les jours à venir. Elle le remercia aussi d'avoir retrouvé Camille en bonne santé et d'avoir permis aux médicaments d'éloigner sa fièvre.

Tibère l'observa en silence et lorsqu'elle eut terminé, ils quittèrent les lieux pour la cuisine.

Là aussi, la pièce était grande et bien aménagée. Johanne avait rempli les placards et préparé une soupe épaisse en prévision de leur arrivée.

Ils mangèrent en échangeant sur les ambitions que portait Isaure sur le domaine

— Je souhaiterais à terme employer d'anciens soldats et des filles sans éducation. J'aimerais aussi soutenir la cause des établissements qui s'occupent des enfants comme Camille. Nombreux sont abandonnés par leur famille à la naissance.

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant