Chapitre 10 - Un héritier recherché

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Couchée au fond de son lit, Isaure fixait le plafond de sa chambre, le souffle court et le cœur battant. Elle revivait les instants de la journée passée et essayait tant bien que mal de réfléchir à ce qui s'était produit.

Elle en était sûre, elle devenait complètement folle, folle à lier ! Elle était littéralement en train de saboter tout ce qu'elle essayait de construire. Son comportement était ridicule, elle devait absolument se reprendre. La passion qu'elle éprouvait pour Terence Dignard n'avait aucun sens et ne menait à rien. En plus de sa place au château, elle mettait également sa propre réputation en danger, n'importe qui aurait pu les surprendre.

Elle retira la couette qui recouvrait son corps et poussa un long soupir. Une angoisse lui tenaillait le ventre. Elle prit conscience d'une peur qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. Cette histoire de mariage, d'argent et de prétendants l'angoissait au plus haut point.

Elle était effectivement piégée et comprit qu'une simple décision de sa part avait la force de régler tous ses problèmes. Elle songea un instant à refuser son titre de comtesse puis à mettre en vente le château de l'Islette. Pourrait-elle vraiment supporter un mariage de convenance avec tout ce qu'elle ressentait ? Au plus profond d'elle-même, Isaure réalisa qu'elle n'en aurait pas la force.

Assumer un homme comme Darsonval lui serait terriblement difficile... Elle avait posé comme condition que son futur époux ne s'implique pas dans les affaires du comté, mais lui n'avait pas l'air d'être un héritier riche sans ambition. De son point de vue ce mariage était pour lui aussi un investissement. Son rang social allait évidemment s'élever, mais il souhaiterait sans aucun doute gagner plus que cela dans cet accord. L'heureux élu promettait de tenir ses engagements et signerait leur contrat de mariage sans sourciller... mais quelles étaient véritablement les garanties qu'il tienne parole ? Nombreux étaient les mariages qui faisaient fi de leurs propres règles avec le temps ! Les déceptions mènent toujours à des frustrations et à de la colère. Louise avait raison, songea-t-elle, mon mariage ne sera pas heureux.

Se sentant étouffée, Isaure se leva et ouvrit en grand la fenêtre de sa chambre. Un vent frais, soulevant les odeurs de la nuit, rafraîchit visage et ses pensées. Avec l'argent de ses terres, elle pourrait recommencer une nouvelle vie... Si tout se passait bien, elle pourrait déléguer la gestion de ses biens à une personne de confiance et serait de nouveau en capacité de travailler, à continuer ses tâches d'infirmière aux côtés d'Émery. Devait-elle le prendre à part, pour lui confier cette idée ?

En son for intérieur, elle réalisa que cela ne changerait certainement pas grand-chose aux yeux du jeune médecin. Elle devait laisser tomber Émery... La commissure de ses lèvres se tordit dans une grimace et le visage de Térence réapparut devant elle. Elle tapa ses mains dans un geste rageur contre le rebord en fer forgé de la fenêtre, ce qui produisit un son métallique, qui se répercuta en tremblant contre la façade de pierre.

Je perds vraiment la raison ! Il faut encore que j'en revienne à lui !

Elle ferma sa fenêtre avec colère et tira le rideau en faisant claquer le tissu.

Elle devait encore penser à Camille et à la vie qu'elle serait en capacité de lui offrir. Elle ne pouvait plus se permettre de retourner sur les routes de France, sa place était à ses côtés.

Face à tous ces dilemmes et comprenant qu'elle ne dormirait pas de la nuit, Isaure décida de s'habiller rapidement pour rendre visite à ses amies de Montbazon. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis leur dernière rencontre et elle devait s'enquérir de ces hommes étranges qui continuaient à fouiller la Touraine.

D'un pas décidé, elle ouvrit une de ces malles pour en sortir un chemisier et une paire de bottes d'équitations.

De l'autre côté du château, dans la chambre des domestiques, Tibère avait également du mal à trouver le sommeil. Il ne cessait de tourner dans son lit, accablé par la chaleur qui s'était accumulée toute la journée par les tuiles du toit. L'air chaud ne parvenait pas à sortir par la lucarne pourtant ouverte et comme d'habitude ses compagnons de chambrée ronflaient terriblement. Lorsqu'il se leva pour rincer son visage couvert d'une fine pellicule de sueur, il remarqua à la lueur de la lune que l'eau, versée dans une bassine de fer blanc, tremblotait au rythme du souffle des dormeurs.

Un valet à mes piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant