Le lendemain, 11 heures, Chambre d'Amélia, Fairfax
— Je te l'avais interdit ! Entendis-je Monsieur Kane crier au téléphone.
J'éloignais le téléphone de mon oreille, cherchant à éviter l'impact de sa colère. Chaque mot était imprégné d'une inquiétude profonde. Sa voix, d'ordinaire contrôlée et mesurée, tremblait cette fois, vacillant sous le poids de la frustration.
— Nous avons déjà eu cette discussion. Intégrer ce campus te fait courir un danger inutile, continua-t-il sur le même ton.
Je connaissais cette voix depuis trop longtemps. Elle appartenait à Nicholas Kane, chef du service de protection des hautes personnalités. Un homme dévoué à ma sécurité et qui avait été un proche collaborateur de mon père pendant de nombreuses années. Depuis la disparition de mes parents, il était devenu un pilier dans ma vie, une présence stable au milieu des turbulences. Son autorité et son intransigeance étaient des boucliers contre les menaces qui me guettaient. Il avait comblé en partie le vide laissé par leur absence. Sa voix familière m'apportait réconfort même dans les moments les plus sombres, mais aujourd'hui, elle tremblait d'une panique inhabituelle, une émotion inconnue jusqu'alors.
Je l'entendis soupirer longuement, un son lourd. Dans mon esprit, les souvenirs affluèrent, mêlant le passé et le présent dans un tourbillon confus. Je me rappelais des nombreuses conversations, des mises en garde incessantes, des stratégies élaborées pour assurer ma sécurité.
Je ne pouvais m'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité. En rejoignant ce campus, je savais que j'avais brisé les règles établies pour ma protection. Mais ce choix n'était pas impulsif ; il était le fruit de longues réflexions, d'un besoin impérieux de reprendre le contrôle de ma vie. La sécurité avait son prix, et parfois, ce prix était trop élevé à payer. Vivre dans la peur constante, sans jamais pouvoir avancer, ce n'était pas une existence que je pouvais accepter. J'étais prête à prendre des risques, non par imprudence, mais par nécessité
Assise sur mon lit, le regard fixé sur le mur, j'attendais qu'il se calme. Chaque seconde s'étirant en une éternité. Il ne comprenait pas ma décision, persuadé que j'avais tort. Mais cette fois, j'étais prête à lui tenir tête. Parce que malgré les risques, j'avais besoin de cette liberté, de cette chance de me reconnecter avec le passé de ma mère, de comprendre les fragments de son existence qui m'échappaient encore. Mais par-dessus tout, je ne voulais plus que la peur dicte ma vie.
— J'espère que tu as au moins changé ton identité ! Reprit-il, son souffle lourd trahissant l'épuisement.
Il était évident qu'il ne savait plus quoi dire, submergé par l'angoisse. Je pris une profonde inspiration avant de répondre, sentant la colère monter en moi.
— Évidement ! Malgré ce que vous pouvez penser, je n'ai pas fait ça sur un coup de tête. C'est réfléchis. Je connais les risques, j'étais là ces dernières années si vous l'avez oublié...
Ma voix tremblait légèrement, mais je m'efforçais de la maintenir ferme et déterminée. Les mots jaillissaient de moi avec une force que je n'avais jamais ressentie auparavant. Chaque syllabe portait le poids de dix années de frustration et de peur refoulée, de rêves avortés et de vies vécues dans l'ombre.
— J'ai renoncé à tant de choses, aux expériences normales d'une adolescente, à la simple joie de faire des projets pour l'avenir. Tout ça, je l'ai fait parce que je comprenais les dangers, parce que je faisais confiance à votre jugement. Mais à quel prix, Monsieur Kane ? À quel prix ?
Je marquai une pause, laissant mes mots retomber dans le silence. Mon cœur battait à tout rompre, mais je sentais une détermination nouvelle, une force que je ne me connaissais pas.
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The Shadow of the Past
Roman d'amourL'amour n'est ni raisonnable, ni raisonnée. C'est une évidence, une intuition. - Anne Bernard Plongez dans l'univers d'Amélia, où chaque mélodie est une quête de liberté et chaque silence, une bataille pour survivre. Amélia arrive à la prestigieuse...