The Shadow of the Past

Chapitre 14 - Fragments de Douleur

Deux semaines plus tard, 14 heures, Salle d'entrainement musicale, Fairfax

Assise sur le banc du piano, je laissai mes doigts courir sur les touches ivoire, les yeux fermés. Les notes résonnaient dans la pièce, apaisantes, comme un baume sur mes pensées. Je tentais de me concentrer uniquement sur la musique, de laisser les mélodies m'emporter loin de mes préoccupations. Chaque note jouée me permettait de m'échapper un peu plus, de me perdre dans un monde où seules les harmonies comptaient.

Je voulais oublier. Oublier ces deux dernières semaines à ressasser cette soirée, et surtout ce moment partagé avec Alexander. J'avais espéré que quelque chose changerait entre nous, que nous parviendrions enfin à mieux nous comprendre. Pourtant, rien n'avait changé, et je m'en voulais de ressentir une telle déception. Je ne devais rien attendre des autres. C'était la meilleure façon de se protéger, je le savais pertinemment.

Tu es si stupide ! Si naïve.

Ces deux dernières semaines avaient été étranges. Alexander était absent, déléguant son rôle de garde du corps à des inconnus, différents chaque jour. Je voyais ces nouveaux visages défiler, au point que je ne cherchais même plus à comprendre.

J'avais tenté de me jeter à corps perdu dans mes études, espérant avoir l'esprit trop occupé pour laisser mes pensées divaguer. Les cours étaient devenus un échappatoire, une bulle où je pouvais temporairement oublier le reste. Je m'étais même inscrite à une représentation supplémentaire pour la fin d'année qui devait me rapporter des points bonus. J'en avais bien besoin pour rattraper mon retard. Je devais préparer un morceau en duo avec un violoniste, un gars du nom de Matthieu.

Travailler avec lui m'aidait à me changer les idées. Il était talentueux et passionné, et nos séances de répétition étaient souvent le point culminant de mes journées. Cependant, même la concentration intense que nécessitait notre projet ne suffisait pas à effacer cette frustration qui me rongeait. Chaque fois que je levais les yeux du piano, la réalité me frappait de plein fouet : Alexander n'était pas là.

À quel moment étais-je passé de ne pas supporter sa présence à en réclamer la compagnie ? Ce changement me déconcertait. Autrefois, sa simple présence suffisait à m'irriter, chaque interaction étant un rappel constant de ma non liberté. Mais désormais, je me surprenais à chercher sa présence. Il incarnait une forme de stabilité dont j'avais désespérément besoin. La transition avait été si subtile que je n'avais même pas remarqué ce changement se produire.

Chaque note était un exutoire, chaque accord un cri silencieux. Mes doigts se déplaçaient avec une précision presque mécanique, guidés par une rage intérieure. La musique se transformait en un dialogue entre moi et mes sentiments, une conversation intime que personne d'autre ne pouvait entendre.

Lorsque je finis le morceau, je laissai mes mains quelques secondes en lévitation au-dessus des touches, appréciant ce sentiment de bien-être et de légèreté. C'était comme si, pendant un instant, tout le poids de ces deux semaines s'était envolé, me laissant enfin respirer.

La sonnerie de mon téléphone me ramena brusquement à la réalité. Je jetai un coup d'œil à l'écran et vis un message de Monsieur Kane. Il me convoquait de toute urgence et m'informait que Monsieur Collins m'attendait devant le bâtiment de ma résidence pour m'emmener jusqu'à lui. Nous devions initialement nous voir la semaine prochaine. Pour qu'il veuille me voir plus tôt, cela ne présageait rien de bon.

Une boule d'angoisse se forma instantanément dans mon estomac. Chaque fibre de mon être se tendait sous l'effet de l'inquiétude. Doucement, je me levai du banc du piano, la mélodie apaisante de tout à l'heure désormais remplacée par un silence pesant. L'homme chargé de ma sécurité aujourd'hui se racla la gorge, attirant mon attention et je me retournai vers lui.