Quatre heures plus tard, auditorium, Fairfax
Assise sur le banc du piano, je laissais mes doigts effleurer les touches sans les enfoncer, les caressant à peine. L'auditorium était presque vide maintenant. Les musiciens avaient fini de ranger leurs instruments et quittaient la salle un à un, leurs conversations s'évanouissant dans les couloirs. J'avais besoin d'un dernier moment à moi, juste un instant de répit, avant de replonger dans la réalité, avant de devoir affronter Alexander et toutes les questions qu'il allait inévitablement me poser. Je n'étais pas prête à affronter ce regard scrutateur, à jouer à ce jeu que j'avais initié mais qui, parfois, me semblait échapper à mon contrôle. Pas encore.
Je jetai un coup d'œil vers le fond de la salle. Alexander était toujours là, immobile. Il observait mes moindres mouvements, patient, comme s'il savait que tant que je ne bougeais pas, il resterait figé lui aussi. Je sentais son regard sur moi, pesant et pourtant étrangement réconfortant.
Eva passa devant moi, me saluant de loin avec son enthousiasme habituel. Je lui répondis par un sourire léger et un simple signe de main, avant de la regarder disparaître à son tour par la porte. Il ne restait plus que nous deux dans cette vaste salle. Enfin, le silence se fit, un silence pur, complet, qui enveloppa l'espace comme une couverture.
Je fermai les yeux et pris plusieurs respirations profondes. Mon esprit était un chaos de pensées, un tourbillon que je n'arrivais pas à calmer depuis des jours. Mais ici, avec le piano devant moi, je savais que je pouvais tout laisser de côté. Juste pour un instant.
Mes doigts commencèrent à glisser sur les touches, créant des mélodies mélancoliques, reflétant l'agitation qui régnait en moi. La musique, mon éternelle confidente, était la seule chose capable de transformer mes émotions, de les rendre tolérables. Alors je jouais, laissant les notes flotter dans l'air, évacuant un peu de la tension qui pesait sur mes épaules. C'était comme si le piano absorbait mes peurs, mes doutes, et les transformait en quelque chose de plus beau, de plus supportable.
Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé, mais lorsque je m'arrêtai enfin, laissant le silence reprendre ses droits, une larme roula sur ma joue. Une seule, témoin de l'émotion qui m'avait traversée. Je l'essuyai rapidement, refusant de m'y attarder. Je me sentais plus légère, comme si une partie du fardeau qui m'écrasait s'était envolée avec les notes.
En ouvrant les yeux, je me rendis compte qu'Alexander n'était plus là. Il avait disparu, me laissant seule dans cette pièce vide. Un regard à travers les grandes fenêtres m'indiqua que la nuit était tombée depuis un moment déjà. J'avais perdu la notion du temps, emportée par la musique. Un doux sentiment de paix m'envahissait, un répit bienvenu dans ce tourbillon d'incertitudes qui rythmait ma vie.
Déterminée à prolonger cet instant de sérénité, je décidai de jouer un dernier morceau. Juste pour moi. Pour oublier encore un peu. Je fermai les yeux, laissant mes doigts courir librement sur les touches du piano. La mélodie s'éleva, légère et intense à la fois, transcendant le moment, comme si chaque note ouvrait une porte vers un autre univers. Peu à peu, sans y réfléchir, ma voix se joignit aux accords, douce d'abord, puis plus affirmée, libérant des paroles chargées d'émotions que je n'avais jamais osé exprimer à voix haute jusque-là.
C'était étrange. Chanter me donnait l'impression de dévoiler une part de moi que je gardais précieusement cachée. Chaque mot, chaque son vibrait avec une vérité que je n'avais jamais avouée, pas même à moi-même. C'était mon exutoire, un moyen de libérer toutes les frustrations, les peurs et les doutes qui m'habitaient. Au fil des minutes, la tristesse et l'espoir se mêlaient dans mon cœur, dansant ensemble au rythme de la musique.
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The Shadow of the Past
RomansaL'amour n'est ni raisonnable, ni raisonnée. C'est une évidence, une intuition. - Anne Bernard Plongez dans l'univers d'Amélia, où chaque mélodie est une quête de liberté et chaque silence, une bataille pour survivre. Amélia arrive à la prestigieuse...