Chapitre 23 - Sous couverture

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Un bruit derrière moi me fit sursauter. Je me retournai brusquement, brandissant la lampe de poche, mais il n'y avait rien. Juste mon propre souffle, saccadé et rauque. Je ressortais rapidement de cette petite pièce, refermant la porte du box avec précipitation. Je devais sortir de là, et vite.

D'un pas rapide, je rejoignais la sortie. Alors que je franchissais la porte par laquelle j'étais entrée, je jetai un dernier regard derrière moi, le cœur battant à tout rompre, mes pensées en désordre complet. L'air frais de dehors sembla mordre ma peau, contrastant avec la chaleur oppressante que je ressentais à l'intérieur. La photo de mon père brûlait encore dans ma poche. Les visages d'Alexander, de Monsieur Kane, et de mon père flottaient devant mes yeux, se superposant à l'image de ma vie entière qui s'effritait sous le poids des mensonges.

Je m'adossai contre le mur froid un instant, tentant de reprendre mon souffle, de calmer le tourbillon de mes émotions. La réalité de la situation m'écrasait, chaque révélation se déployant avec une clarté brutale. Mon père n'était pas la victime que j'avais imaginée, et les gens en qui j'avais placé ma confiance mentaient depuis le début. Tout ce que je croyais savoir n'était qu'un mirage, une construction soigneusement orchestrée pour me maintenir dans l'ignorance. Mais pourquoi ? Pourquoi tant de secrets, tant de manipulations ?

Un frisson parcourut mon échine tandis que je repensais à ces photos. Alexander, Monsieur Kane, Jonas... Pourquoi étaient-ils tous ensemble ? Et pourquoi personne ne m'avait rien dit ? Une partie de moi voulait hurler, confronter Alexander, exiger des réponses. Mais je savais que je ne pouvais pas me permettre un tel éclat de colère. Pas maintenant.

Je devais être intelligente, calculatrice. Si j'avais appris une chose de ces années passées à fuir et à me cacher, c'était que la patience et la discrétion étaient mes alliées les plus précieuses. Il était hors de question que je laisse ma rage prendre le dessus et que je dévoile mes cartes trop tôt. Si je voulais vraiment comprendre ce qui se passait, je devais continuer à jouer le jeu. Faire semblant de ne rien savoir, rester sous couverture. C'était la seule façon de reprendre le contrôle.

Je pris une grande inspiration, essayant de maîtriser le tremblement de mes mains. Faire comme si de rien n'était, agir comme si tout était normal, me semblait insurmontable. Mais je n'avais pas le choix. Si Alexander et les autres réalisaient que j'avais découvert la vérité, tout changerait. Que feraient-ils alors ? Me tiendraient-ils à l'écart ? Me mettraient-ils en danger ? Je ne pouvais plus me permettre de faire confiance aveuglément. Ils étaient devenus des inconnus. Il fallait que je reste discrète, que j'observe, que j'écoute. Et surtout, que je garde mon calme.

Je me redressai, tentant de rassembler mes forces avant de rentrer. Le silence de la nuit pesait sur mes épaules, oppressant et lourd. Chaque pas me rapprochait de la résidence, mais mes pensées tourbillonnaient sans cesse, trop chaotiques pour se laisser dompter. Je me concentrai sur le simple fait de ne pas pleurer, de ne pas laisser ma façade s'effondrer. Je devais rester forte. Ne pas flancher.

Je marchais rapidement, longeant les ruelles sombres, cherchant la sécurité des ombres pour échapper aux caméras. Le froid de la nuit s'infiltrait sous ma capuche, mordant ma peau, mais je continuais. Chaque pas me rappelait pourquoi je devais rester déterminée. Les Ombres m'avaient ouvert les yeux : ceux en qui j'avais confiance n'étaient pas ceux que je pensais. Et une pensée surprenante me traversa l'esprit : si les Ombres, ces figures mystérieuses qui m'avaient toujours semblé hostiles, n'étaient finalement pas mes ennemis ? Et si, malgré tout, elles voulaient me protéger ? Rien n'était certain, et cette incertitude me brûlait de l'intérieur.

Lorsque j'arrivai enfin à la résidence, je refis le chemin à l'envers, méthodiquement. Une fois sur le toit, je me laissai glisser le long du mur jusqu'à ma fenêtre restée entrouverte. Le retour fut plus facile, l'adrénaline m'ayant quittée. Une fois dans ma chambre, j'inspectai rapidement les lieux. Rien n'avait bougé. Mon téléphone était toujours là, posé sur mon lit exactement comme je l'avais laissé. Je vérifiai l'écran puis éteignais l'appareil avant de le glissais soigneusement dans ma poche.

Je me laissai tomber sur le lit, le regard fixé sur le plafond. Tout en moi criait vengeance, mais je savais que je devais être plus maligne qu'eux. Mon esprit commença à élaborer un plan : je devais trouver un moyen de faire tomber le masque d'Alexander, de Monsieur Kane, et de découvrir le rôle exact de mon père dans tout cela. Mais d'abord, je devais les observer, les pousser à baisser leur garde.

Je décidai que je jouerais leur jeu, mais selon mes propres règles. J'allais devenir l'actrice principale de ce théâtre de mensonges, souriante et obéissante en façade, mais attentive à chaque détail en arrière-plan. Chaque mot, chaque geste de leur part serait analysé, chaque rencontre documentée. Si j'avais bien compris quelque chose, c'était que leur confiance en moi était leur plus grande faiblesse.

Et mon plan allait commencer avec Alexander. Il avait cru pouvoir me manipuler, me faire tomber amoureuse de lui, comme si j'allais jouer le rôle de la petite naïve prête à lui faire aveuglément confiance. Mais il s'était gravement trompé. Cette fois, c'était moi qui allais mener la danse. Je comptais le rendre tellement accro, tellement dépendant de moi, qu'il finirait par baisser sa garde. Il ne pourrait plus me cacher la vérité. J'allais devenir la parfaite illusion, le leurre qui les pousserait tous à se trahir. Ils allaient regretter d'avoir sous-estimé la force que je dissimulais. Je les ferais flancher, un par un, jusqu'à ce que leur petit jeu s'effondre comme un château de cartes. Je voulais qu'il se sente aussi stupide, aussi minable que j'avais pu me sentir. Il allait comprendre ce que ça faisait d'être piégé.

Une nouvelle détermination s'ancra en moi. Je n'étais plus la petite fille effrayée qui fuyait les Ombres. J'étais prête à retourner leur propre jeu contre eux, à démanteler pièce par pièce le puzzle qu'ils avaient construit autour de moi. Mais pour cela, je devais rester silencieuse, invisible. C'était devenu une question de survie, et je n'avais pas l'intention de perdre cette partie.

Je rangeai soigneusement les photos et le pendentif dans une cachette secrète que j'avais découvert sous une latte de mon plancher, hors de portée de tout regard indiscret. Mon esprit était en ébullition, mais pour la première fois depuis longtemps, ce n'était pas la peur qui me guidait, mais une rage froide et méthodique. Ils avaient voulu me faire plier, mais ils avaient sous-estimé ma capacité à me relever.

Je me levai du lit et allai jusqu'à la fenêtre, observant la ville endormie. Les lumières des lampadaires créaient des reflets dans les rues désertes, dessinant des lignes nettes entre la lumière et les ténèbres. J'inspirai profondément, laissant le froid mordant de la nuit apaiser mes nerfs en feu. Demain serait un nouveau jour, et j'étais prête à jouer ma nouvelle partition.

Car s'il y avait une chose que cette nuit m'avait apprise, c'était que je n'étais plus la proie. 

The Shadow of the PastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant