Soonyoung dirigeait Alastor d'une main légèrement fébrile, au travers les champs grisâtres des Enfers, sur lesquels poussaient quelques blancs asphodèles. L'ambiance était toujours aussi morose dans cette partie du royaume des morts, mais il n'y avait que ce chemin qui menait au palais d'Hadès. Ce n'était pas une promenade que Soonyoung faisait de gaité de cœur. Le silence ici-bas n'était pas apaisant, et même si la foule des âmes n'avait aucune corporalité, elle n'en était pas moins oppressante.
Hermès en personne était venu ce soir-là, à l'heure où les ombres commencent à ramper le longs des murs, le chercher dans sa chambre sur l'Ossa. C'était en tant que messager des dieux qu'il avait fait savoir à Soonyoung que son père souhaitait lui parler urgemment. Le demi-dieu des Enfers essayait de ne pas craindre cette précipitation, et tout ce qu'il parvenait à ressentir, maintenant qu'il se refusait à rejeter son ascendance, au nom de la promesse qu'il avait faite à Jihoon, n'était qu'une étrange lassitude.
Tenter de contenir sa folie avait échoué. Tenter de la garder son contrôle en la suscitant volontairement avait échoué aussi. Il ne pouvait plus que la laisser exister d'elle-même, y sombrer au gré du hasard, et accepter qu'elle fasse partie de lui. Malgré tout, accepter qu'il fût un meurtrier, qu'il avait le goût du sang, le rongeait de culpabilité. Et dans ce cercle infernal, dans sa prison de malheur dont il ne pouvait s'échapper, il s'effaçait. Quelle cruauté d'avoir le sentiment de ne plus s'appartenir. Quelle atroce sensation de se savoir être quelqu'un d'autre, un autre des plus terrifiant...
Soonyoung arrêta son cheval. Il était arrivé devant les hauts murs du palais d'Hadès, massif et sombre comme une montagne dans la pénombre, qui semblait s'élever jusqu'à la surface. On n'en distinguait pas le sommet.
Le fils d'Hadès mit le pied à terre, remercia l'étalon, et s'approcha des portes. Il entra ; ses pas résonnèrent à sur le marbre noir. Une lampade l'accueillit avec peu de mots, pour ne pas troubler l'atmosphère pesante sans doute, et le conduisit à travers le dédale du palais. Soonyoung ne connaissait pas ce chemin ; ce n'était donc pas vers la salle des trônes qu'on le menait.
La nymphe s'arrêta devant une porte simple, plus petite que les autres. D'un geste, elle l'invita à entrer. Soonyoung la remercia et abaissa la poignée. Le battant était lourd et grinçant. À l'intérieur de la pièce, il n'y avait que peu de lumière. Deux lampes à huiles projetaient des ombres dansantes qui rendaient difficile l'identification des objets disposés sur les étagères qui recouvraient les murs de la pièce.
La silhouette sombre d'Hadès se détachait en contre-jour, devant l'une des deux lampes. Soonyoung referma la porte derrière lui et s'approcha du dieu.
— Tu sais que je n'approuve pas ta relation avec le fils de Poséidon, commença tout à coup le terrible Hadès. Mais il me faut avouer qu'il a eu plus de sagesse que toi.
Le dieu se retourna et fit face à son fils, qui le regardait avec plus de fatigue que d'effroi.
— Malgré tout, continua-t-il, il a tort. Il devrait te craindre.
Soonyoung souffla bruyamment. Il le savait aussi, mais il ne voulait pas donner raison à son père lorsque celui-ci méprisait son amour pour Jihoon.
— Je croyais que c'était urgent. Pourquoi je suis là ?
Le dieu des Enfers acquiesça lentement, tandis qu'un rire grave jaillissait de sa gorge. Il se rapprocha d'un coin de la pièce, mal éclairé par les lampes. Soonyoung se pencha pour essayer de distinguer par dessus l'épaule du dieu ce qu'il cherchait.
— La guerre est proche, Soonyoung, déclara le terrible Hadès calmement. Les dieux sont sur le point d'exiger encore plus de vous, demi-dieux.
— Et tu feras de même, n'est-ce pas ? devina Soonyoung.
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DEKAEPTAIA ⋮ ΔΕΚΑΕΠΤΆΙΑ |Livre I|
FanfictionἌνδρας μοι ἔννεπε, Μοῦσα... Muse, raconte-moi les hommes aux mille talents qui, mortels parmis les Olympiens, entamèrent leur quête de gloire ; qui découvrirent leur puissance divine sur le chemin de la guerre et prirent les armes pour affro...