Rhapsodie XLV

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Les dieux avaient commandé à Chan nombre d'armes de toutes sortes. Il devinait évidemment qu'ils anticipaient le besoin que la guerre contre Chronos provoquerait. Le fils d'Héphaïstos ne se plaindrait jamais d'avoir du travail. Il aimait l'effort de la forge et la satisfaction de voir le minerai prendre forme et de donner naissance à une épée par-ci, un bouclier par là, parfois même une hache ou un poignard. Les armes faisaient en quelque sorte partie de son quotidien.

Il souleva l'épée qu'il venait de réaliser et l'aligna avec son regard pour s'assurer que la lame était droite. Il fit quelques mouvements avec pour en vérifier l'équilibre, et puis la glissa dans un fourreau qu'il avait réalisé plutôt, et quitta la forge du mont Mosychlos pour monter au sommet de l'Ossa. Il se rendait à l'armurerie pour y déposer l'épée. Lorsqu'il entra dans la pièce et en alluma les lumières, il admira tout ce qui s'y accumulait déjà. Il venait régulièrement ajouter des armes et pourtant, il s'étonnait à chaque fois de tout ce qu'il avait fabriqué de ses propres mains.

Dans le coffre où étaient rangées les épées s'en trouvaient déjà une vingtaine. Il rajouta la nouvelle et retourna rapidement à la forge de son père. Il avait largement avancé sur la commande des dieux ; il voulait désormais s'investir un peu plus dans un projet de longue date qui demandait énormément de réflexion. Il récupéra dans la forge son carnet et son crayon et alla s'asseoir à un endroit où la chaleur était plus que supportable. Il ouvrit le carnet à une page qu'il avait marquée. C'était les esquisses d'une armure ; juste au-dessus était marqué « Seungcheol ».

La véritable armure du leader – armure qui se voulait tant fonctionnelle que superbe – lui demandait énormément de réflexion. Il faisait les dessins en indiquant les retours que Seungcheol avait faits de son armure d'entraînement. Suivant les directives de son père qui avait bien plus d'expérience à concevoir et fabriquer les cuirasses des héros, il devait penser chaque armure comme le reflet du demi-dieu qui la porterait. Plusieurs éléments s'imposaient d'emblée lorsqu'il était question du fils de Zeus : l'armure serait en or, elle incorporerait des motifs d'éclairs... mais ce n'était pas suffisant.

Chan tourna la page et regarda les autres dessins. L'armure de Jihoon était un peu plus chargées en détails, car la mer – et l'ascendance de Poséidon – se représentait de multiples formes : coquillages, vagues, et chevaux déchaînés qui en bondissaient... Mais le fils d'Héphaïstos trouvait qu'il manquait d'inspiration. La page suivante, l'armure de Soonyoung, était encore moins décorée que la première.

Pour chacun des trois, il griffonna quelques idées, qu'il barra presque aussitôt. Rien n'était convaincant. Il regarda les suivantes, dans l'espoir qu'il trouverait pour celles-ci de quoi faire. Mais il n'avait que des ébauches de la forme générale, des notes concernant le métal, la couleur et les mesures, mais rien ne lui venait à l'esprit. Et la treizième page était encore vide. Il n'y avait même pas son nom d'écrit. À quoi bon se fabriquer une armure s'il ne comptait pas faire la guerre.

À la page précédente, quelques traits représentaient ce qui serait plus tard l'armure de Seungkwan. Héra avait en effet insisté pour que Chan se lance dans la confection d'une cuirasse pour son fils, même si celui-ci se refusait encore obstinément à la guerre contre Chronos. Aux dernières nouvelles, seuls Seungkwan et Chan n'y avaient pas consenti. Mais à la différence du premier, le second ne subissait pas l'insistance d'Héphaïstos. Le dieu forgeron semblait très détaché de la situation. Chan ne voulait pas s'entraîner à manier les armes qu'il fabriquait, le dieu l'acceptait. Le demi-dieu des Volcans trouvait cela étrange, mais il ne se plaindrait pas qu'on lui laisse réellement le choix. Il soupçonnait que certains des demi-dieux avaient simplement cédé à la pression de leurs parents.

Chan souffla en refermant son carnet. Enfermé dans sa forge, en s'obstinant à réfléchir, il n'arriverait à rien. Alors il l'emporta avec lui sur l'Ossa. De retour dans le palais des demi-dieux, il chercha le fils de Zeus. Il alla d'abord frapper à la porte de sa chambre mais personne ne lui répondit. Alors il alla vers sa deuxième intuition : le gymnase et son terrain à ciel ouvert, qui se trouvait au sommet de la montagne. Là, il trouva en effet le demi-dieu de la Foudre qui faisait alors des exercices de gainage.

DEKAEPTAIA ⋮ ΔΕΚΑΕΠΤΆΙΑ |Livre I|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant