Le grincement de la porte marqua la fin d'une épreuve et le début d'une autre. Une immense lassitude rattrapa Felix qui ne put que s'asseoir sur le lit défait. Le ciel nocturne, chargé de nuages, dévorait les toits du monastère.
Il se déchaussa sans plus attendre, se dévêtit, jeta ses affaires et souffla la chandelle avant de se coucher. L'obscurité s'abattit mais ses yeux restèrent grands ouverts. Felix remua, plia et déplia ses jambes, glissa un bras sous l'oreiller. Il avait retardé cet instant le plus possible, s'entraînant jusqu'à être sûr d'être épuisé. Le langage familier de l'épée le détournait de son chagrin. Ce goût de cendres ne le quittait pas depuis la mort de Rodrigue, malgré tous ses efforts pour le mettre à distance.
Le jeune homme pensait avoir donné le change face aux autres. Enfin, s'il exceptait cet instant où, s'apprêtant à quitter une pièce, il avait senti le regard de sa professeure dans son dos.
— Felix, vous pouvez venir me voir quand vous le souhaitez si vous avez besoin de parler, avait-elle annoncé de sa voix calme et claire.
Il ne l'avait entendue hurler que lorsqu'elle avait besoin de se faire entendre sur le champ de bataille. Pour le reste, rien ne paraissait pouvoir l'ébranler. L'épéiste s'était retourné, affrontant les yeux miroirs de la générale. Un malaise glaçant l'avait étreint, par crainte que son interlocutrice ne voie la douleur suinter de lui.
Felix avait rétorqué quelque chose de sec et bref, elle n'était que sa professeure ! Cet échange lui laissait néanmoins un goût amer, car il restait conscient d'avoir déguerpi comme un couard.
Les cloches sonnèrent de nouveau au loin, le temps fuyait. Le vent sanglota dans les combles. La solitude creusait son trou dans sa poitrine. Felix songea, tandis que la colère lui brûlait les entrailles, qu'il comprenait plus que jamais Dimitri.
Le sommeil l'emporta sans prévenir.
Il se trouva soudain dans une salle vide. L'atmosphère en était pesante, comme altérée. Le jeune homme peinait à distinguer les formes et leurs limites. La lumière blanchâtre, à la provenance inconnue, ne dissipait pas totalement les ombres.
La sensation de lucidité le mit en alerte. Felix ignorait s'il était réveillé ou non. Son instinct cria que quelque chose l'attendait, de l'autre côté. Or, il était seul, condamné à attendre.
Un cliquetis métallique se fit entendre. Felix porta la main à sa hanche, cherchant une lame qui ne s'y trouvait pas. Furieux, il leva les poings, se plaçant légèrement de profil en une posture défensive.
L'adversaire s'approchait. Il pouvait désormais entrevoir l'éclat de son armure de plates.
Il s'immobilisa, tétanisé. Ses pupilles ambrées le fixaient depuis un autre visage. Il connaissait ces pommettes hautes, cette bouche rieuse. Les cheveux de la femme, sombres comme une aile de corbeau, étaient coupés très court, nuques et oreilles bien dégagées. Comme sur ce portrait que père n'avait jamais remisé pour ne pas la livrer à l'oubli.
Marcia Larina Fraldarius. Maman.
Un souffle rauque lui échappa. Felix suffoquait, se noyait. La voir avec cette peau lisse, si blanche et lumineuse, fut un coup de poing en pleine bouche. Oh, bien sûr, il n'avait jamais vu son cadavre. Mais il avait croisé en grandissant un rescapé de la variole. En plus de se demander pourquoi il avait survécu et non sa mère, son imagination s'était emballée. Il avait contemplé cette peau violentée, pleine de cratères, et apposé cette corruption sur les traits aimés avant de s'en maudire.
Les secondes avant qu'elle ne s'approchent de lui furent une agonie. Son corps se décomposait sur place, sa langue refusait de lui obéir. Marcia se rapprocha encore, aussi réelle que dans ses souvenirs. Armée d'une épée et d'un marteau de guerre, la duchesse était telle qu'elle aurait dû être si la mort ne l'avait pas ravie. Marcia se serait sans doute vu confier la défense des terres ou aurait chevauché aux côtés de Rodrigue pour leur venir en aide.
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Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)
Fanfic❧Une réécriture d'Azure Moon mettant en scène quatre nouvelles héroïnes aux côtés des personnages du jeu. L'ambitieuse dame Gladys a hérité des terres de son père et mène ses troupes dans la lutte contre l'Empire. Musicienne, Maeve a pris les armes...