Chapitre 14 : Hantés par les absents (partie 2)

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Lors de la prochaine halte, Felix se dirigea d'un pas vif, la mine renfrognée, comme s'il se rendait à duel dont sa vie dépendait, vers la tente de Byleth. Il tenta d'avoir l'air le plus sûr de lui possible, prétendant ne pas avoir hésité pendant des nuits.

— Professeure, je suis venu chercher l'épée de Moralta.

Byleth hocha la tête et le regarda avec fierté. Puis, elle alla chercher l'arme sacrée et la lui tendit sans jugement.

— Elle est à vous, l'invita-t-elle avec douceur.

Felix sentit l'air se raréfier, sa vision se rétrécir. Le regard de son père le foudroyait de nouveau sur place. L'épéiste se savait dos au mur, la nécessité le poussait vers l'avant. Il dut pourtant contraindre son bras à lui obéir, conquérir centimètre par centimètre la distance qui le séparait de l'artefact. Comme si ce dernier allait le brûler, le rejeter.

L'arme lui semblait soudain vivante, pulsant de l'énergie de tous les ancêtres l'ayant tenue. Ce n'était pas la même chose qu'avec Égide, Felix possédait le bouclier depuis plus longtemps. L'épée était quant à elle irrémédiablement associée à son père.

« Fais ce que tu dois », s'encouragea-t-il. Il fallait agir maintenant ou jamais. Un vertige le prit et il sentit son père le jauger.

« Je n'ai pas été à la hauteur mais je le serai pour cette fois » promit-il. Il mit ses doigts là où s'étaient tenus ceux de Rodrigue et dégaina d'un geste vif. L'épée répondit aussitôt à son emblème et se para d'un éclat bleuté. Il n'y eut ni coup de tonnerre, ni cris, ni esprits courroucés. L'aura de Moralta était douce, apaisée, rappelant ses pouvoirs curatifs. Felix était seul avec l'arme et son cœur battant. Ses doigts affermirent par réflexe leur prise. Il fit quelques passes et moulinets pour se l'approprier. Le métal était froid sous sa paume, mais les doigts du défunt n'étaient plus là. Seuls les siens y apposeraient désormais leur chaleur.

Moralta paraissait encore lourde de regrets, mais Felix se sentait désormais capable de la manier.

— Votre père a dévoué toute sa vie pour le Royaume, je suis persuadée qu'il aurait voulu qu'elle vous revienne, que vous la maniez pour terminer sa mission et faire revenir la paix en Faerghus, compléta la commandante.

La vérité lui apparut, simple et nue. Felix eut un rictus. Sa sagace professeure avait une fois de plus raison. Noble et chevaleresque comme il l'avait été, Rodrigue aurait fait passer leurs querelles après les impératifs du moment. La libération de la capitale primait. Le reste viendrait ensuite.

— Merci professeure, j'en ferai bon usage, promit-il, la tête haute.

— Je n'en doute pas, l'encouragea Byleth. Prenez soin de vous et essayez de vous reposer avant l'assaut.

La générale se souvint de son entretien avec Rodrigue dans cette cathédrale silencieuse éclairée par la lune. L'honnêteté, la simplicité du duc lorsqu'il avait admis ses torts l'avait profondément émue. Elle ignorait la nature exacte de ce qu'il s'était passé avec son fils, mais la décision de Felix était peut-être une forme de réconciliation posthume, bien qu'incomplète, imparfaite.

« Si seulement je pouvais remonter le temps et tout changer » regretta-t-elle. Byleth n'était pas Sothis. Le fantassin mort lors du premier assaut, le paysan terrassé par la faim...nombreux étaient ceux qui auraient mérité de vivre.

Elle espérait que Rodrigue était au moins satisfait de là où il était, heureux de voir son fils marcher dans ses pas.

Lorsque Felix s'éloigna, il le fit d'un pas calme et décidé, droit sous le ciel, l'arme de ses ancêtres serrée contre lui. Son doux éclat lui rappelait la magie guérisseuse de son père, semblable dans ces moments-là à un rayon de soleil sur son visage.

Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant