Chapitre 13 : Sève écarlate (partie 1)

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Seules quelques gouttes tombaient par intermittence des nuées grisâtres. Il ne pleuvait pas suffisamment pour que Maeve fasse appel au sortilège de son invention. Ce dernier invoquait en effet une coupelle transparente au-dessus de sa tête, la protégeant de l'eau. Elle rabattit sa capuche et longea les tentes, priant pour que les cieux retiennent leurs larmes.

« Je vais voir un ami blessé » avait expliqué la magicienne à Amalia. Bon, peut-être allait-elle un peu vite en besogne, mais Maeve espérait que la graine de leur entente pourrait croître.

Elle trouva enfin Annette avec Mercedes, occupées à ranger la pharmacopée de la prêtresse et passa la tête dans l'entrée.

— Excusez-moi, j'ai vu que Dedue avait été blessé et je voulais lui rendre visite pour savoir s'il allait mieux.

La guérisseuse connaissait déjà Maeve par le truchement de son amie. Aussi ne fut-elle pas surprise par cette requête.

— Ah, là, là, je lui avais demandé de se reposer mais il ne l'a pas fait et il s'est surmené. Résultat il est alité avec un peu de fièvre, mais rassure-toi ce n'est rien de grave et il sera très bientôt sur pied, ajouta-t-elle en voyant blêmir son interlocutrice. Je suis sûre qu'une visite lui fera du bien. Je comptais lui apporter ceci, peux-tu le faire pour moi ?

Elle prépara un plateau avec une décoction, des linges propres et un pichet d'eau. Maeve le cala contre elle afin de ne rien laisser tomber.

— Comptez sur moi, promit-elle vivement.

Elle les remercia et Annette lui adressa un signe de la main. Les blessés et une partie des troupes avaient été accueillis dans les hameaux avoisinants. Suivant les indications de ses camarades, elle trouva le convalescent.

— Dedue ? C'est Maeve, j'ai quelque chose pour vous.

Seul le silence lui répondit. Inquiète, elle se précipita aussitôt à l'intérieur. Dedue reposait, les yeux clos, le front barré d'un pli, la bouche tordue par une grimace douloureuse. Le voir si vulnérable l'alarmait, la désespérait. La magicienne s'approcha d'un pas vif, tout en veillant à ne pas renverser son fardeau. Le blessé remua, perdu dans les profondeurs de son cauchemar. Il se débattit, repoussa sa couverture. Des mots inconnus lui échappèrent, mais Maeve retint leur tonalité rauque, désespérée. Ils exprimaient un terrible chagrin, le cri d'un être écorché. Elle les absorba tout entiers, en trembla, en souffrit. Mue par l'impératif de le soulager, elle déposa son plateau au sol et prit gentiment sa grande main dans les siennes.

*

Père ne cessait de battre le fer dans l'atelier. La rythmique régulière ressemblait aux battements d'un cœur. Celui de Dedue tambourinait dans sa poitrine. L'air était humide, saturé de nervosité et de fébrilité. Tout était pourtant normal. Sa mère était occupée à bêcher dans le jardin, sa petite sœur était partie chercher des œufs. Mais le jour restait voilé, Ariena, la dame-soleil, dissimulait son visage en signe de tristesse. Un pressentiment traversa Dedue. Il avait déjà vécu cette scène et une tragédie se préparait en silence.

Dans la pièce principale, mère vérifia leurs tenues, ajusta les écharpes, les ornements et les coiffures. Nérine s'agita, impatiente, tandis qu'elle terminait sa tresse.

— C'est une cérémonie importante. Le roi de Faerghus est venu en personne ! Plaise aux Dieux que la paix en résulte. Dedue, il y aura du monde, veille bien sur ta sœur, insista Anaya en libérant sa cadette.

Il hocha la tête et sourit à Nérine. Bien entendu qu'il allait rester près d'elle et la protéger ! Sa grande taille suffisait en général à dissuader les autres de s'en prendre à lui.

Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant