Chapitre 10 : Thé et sortilèges (partie 1)

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Maeve se plaça légèrement de côté, fléchit les jambes, testa ses appuis. Un petit groupe s'était massé pour voir les magiciens s'entraîner à l'autodéfense, comme s'il s'agissait d'un divertissement exotique. Elle l'ignora.

L'instructeur annonça le début de l'exercice. Imbaud frappa mais elle saisit son poignet au vol et le tordit, retourna sa force et son élan contre lui. Il chancela et elle fut sur lui en un instant et plaqua son stylet contre sa gorge. Son regard n'exprimait plus qu'une froide détermination, la concentration tordait ses lèvres. Elle connaissait la suite : trancher la veine d'un coup précis pour une mort rapide.

— Imbaud est mort. Maeve vit.

Le maître d'armes sonna le glas, concluant l'affrontement.

— Eh bien, j'ignorais que tu savais faire ça ! s'exclama son camarade avec un petit rire forcé.

Presque tangible, son malaise se transmit à Maeve. Érudit possédant quelques bases en magie, Imbaud avait rejoint les troupes depuis peu. Il avait dû être surpris de voir sa camarade se métamorphoser ainsi, se demander si elle aurait été capable d'aller jusqu'au bout.

— J'ai appris avec des proches. Tu verras, tu y arriveras toi aussi avec de l'entraînement, l'encouragea-t-elle avec un sourire amène.

Imbaud saurait de quoi il était fait lorsque le moment viendrait. Certains prétendaient qu'il était plus aisé de tuer à distance avec la magie qu'avec une lame. Certes, l'on ne sentait pas le métal s'enfoncer dans la chair, n'avait pas de sang sur les doigts et devinait moins bien le visage de la victime. L'ignominie demeurait pourtant.

Le brouillard humide de la tristesse s'abattit sur elle, l'obscurité grouilla dans les tréfonds de son esprit. Ses cicatrices suintaient d'inquiétude. La tempête avait beau être violente, la nuit sombre et le brasier cruel, elle n'abandonnerait jamais ses amies. Comme sa mère qui était morte debout, Maeve lutterait jusqu'au dernier souffle.

*

La lumière déchirant les ténèbres. Le soleil impitoyable à son zénith. Maeve laissa l'intention façonner la magie. L'énergie fourmilla, remonta le long de son bras. Main levée, elle libéra la sphère lumineuse, comme une note puissante, un chant de défiance.

Le séraphin atteignit sa cible. Elle se prépara aussitôt à la prochaine frappe. Le pouvoir se faisait à chaque fois plus insaisissable, elle devait descendre un peu plus profond et l'empoigner.

Améliorer sa vitesse de lancer était capital pour mieux faire face aux bêtes démoniaques. Sa première confrontation avec l'une de ces abominations demeurait gravée dans sa mémoire.

Une silhouette titanesque avait soudain ébranlé le pont de Myrrdinn, avalant la distance de ses larges foulées, gueule bardée de dents semblables à des poignards. Sa patte griffue s'était abattue, balayant les soldats comme des brindilles. Les jambes de la magicienne s'étaient figées, liquéfiées. L'instinct de survie avait repris le dessus en un cri à la face de la mort. Elle avait fait pleuvoir la destruction sur l'abomination, rejointe par les autres jeteurs de sorts et les flèches de Gladys et Amalia.

Quand la chose était tombée, tout son corps s'était défait dans une immonde vapeur noirâtre. Un corps humain recouvert de blessures béantes, le visage carbonisé et méconnaissable était apparu à sa place.

Maeve avait failli rendre le contenu de son estomac. Elle avait continué, malgré les contractions, la brûlure dans son œsophage, tirée par une force supérieure. Parce que la bataille n'était pas encore terminée, que l'on avait encore besoin d'elle. Une part d'elle refusait d'oublier cette horreur. La scène était longtemps restée gravée sur ses rétines au moment de s'endormir.

Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant