Un courant d'air caressa l'échine de Vigdis, qui lutta contre l'envie de se retourner vers le couloir désert. La guerre l'avait changée, sa vigilance s'affolait pour un rien. Les propos du moine trottaient dans sa tête. Elle serra les poings : une petite rumeur n'allait pas l'effrayer ! Mais tout de même, Maeve avait été trop gentille avec ce religieux.
La veille, l'épéiste avait brodé jusqu'à ce que ses paupières s'alourdissent, pour essayer d'emporter Derdriu derrière ses paupières closes, de rêver d'être une petite barque gentiment bercée par les flots. Elle avait tenu contre elle un sachet empli de fleurs séchées dont la douce fragrance l'apaisait.
Vigdis avait dormi. Pas nécessairement bien, mais suffisamment pour récupérer.
L'aube lui inspirait des sentiments contradictoires. Elle aimait le silence, l'auguste calme du monastère, la proximité avec la Déesse. Elle ralentit pour prendre un grand bol de cette tranquillité. Des rayons dorés s'invitaient sur son passage, les vitraux projetaient un exquis ballet de couleurs. Elle apprécia d'être aux premières loges pour voir la lumière reprendre ses droits. Le soleil se lèverait toujours de nouveau : une certitude rassurante.
Une telle atmosphère remuait aussi ses souvenirs. La nuit n'avait pas encore été totalement conjurée et les fantômes s'attardaient. L'esprit n'avait-il pas horreur du vide ? Vigdis se retrouva projetée cinq ans en arrière. L'archevêque en personne avait convié sa troupe à venir se produire devant les élèves. C'était la consécration de tous leurs efforts, leur art était à son zénith.
Qui aurait pu se douter qu'il s'agissait en réalité d'un chant du cygne ? La jeune femme se voyait parcourir ces couloirs avec ses camarades, écouter Jaufré planifier tous les détails de sa voix chaude et emphatique. Où étaient les autres maintenant ? Vivaient-ils seulement encore ?
Elle s'apprêtait presque à voir surgir son double d'autrefois, spectre diaphane. Hier danseuse, aujourd'hui femme d'armes. Un nouveau nom, une nouvelle vocation. La vie était éphémère et fluctuante. La seule solution restait de survivre de s'adapter.
Sans surprise, le terrain d'entraînement était encore désert. Vigdis attaqua aussitôt ses échauffements avant de dégainer. Bien rodé, son corps était prêt pour l'attaque. Seule une pratique rigoureuse lui permettrait de conserver son niveau. Son talent était ce qu'elle avait de plus précieux. Alors, en scène ! Le jour lui appartenait.
« Et vous autres, lémures, ombres de la nuit, hors de ma vue ! »
*
Felix vit qu'il avait été devancé. Une guerrière qu'il voyait pour la première fois s'entraînait déjà. Vêtue d'un jaque bleu pâle qui protégeait son cou et couvrait le haut de ses cuisses, d'un pantalon et de bottes usées, elle avait l'allure d'une soldate de métier. Une miséricorde était également glissée à sa ceinture.
L'inconnue frappait avec une belle énergie, imperturbable, concentrée, une lueur féroce dans le regard. Sa souplesse était remarquable, sa silhouette déliée et la fluidité de ses gestes donnaient l'impression d'assister à une danse. Il ne fallait cependant pas s'y tromper : chaque coup était étudié pour tuer. Il avait trouvé une adversaire valable, une distraction bienvenue !
Comprenant qu'elle n'était plus seule, l'escrimeuse se retourna sans laisser paraître une once de surprise ou de nervosité. Son expression fermée indiquait la retenue mais aussi une certaine dureté. Felix put ainsi mieux l'observer et constata qu'elle devait avoir son âge mais surtout qu'elle était aussi grande que lui. Son visage était agréable, régulier, le front haut, le nez droit, les lèvres ourlées. Ses yeux bordés de cils pâles étaient deux morceaux de ciel qu'aucun nuage ne venait troubler.
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Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)
Hayran Kurgu❧Une réécriture d'Azure Moon mettant en scène quatre nouvelles héroïnes aux côtés des personnages du jeu. L'ambitieuse dame Gladys a hérité des terres de son père et mène ses troupes dans la lutte contre l'Empire. Musicienne, Maeve a pris les armes...