Chapitre 7 : Les ombres de la nuit (partie 1)

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Dimitri sortit épuisé du bureau de Manuela, comme s'il avait passé leur entrevue à retourner de la terre à mains nues. Ceux qui s'arrêtaient à l'apparente frivolité de cette femme se fourvoyaient. Une fois sa porte franchie, elle se transformait en une talentueuse praticienne, déterminée à aider. La professeure l'avait patiemment interrogé sur ses symptômes, les avait disséqués avec rigueur. Le prince était plus que conscient de la nécessité de la démarche. La survie de ses camarades et de son royaume était en jeu. L'expérience lui avait pourtant laissé une désagréable impression de vulnérabilité. Il lui avait fallu livrer ses plus grandes douleurs, dévoiler l'horreur de ses blessures.

Manuela l'avait accueilli sans jugement, avait prescrit des préparations et expliqué que ces dernières ne feraient pas effet immédiatement mais serviraient de béquille sur le long terme. Puis, elle lui avait enseigné quelques exercices pour gérer la pression avant de le libérer.

Dimitri s'était raccroché à cet espoir. Il était prêt à empoigner le mal à mains nues pour le mettre à terre, mais toute aide était la bienvenue dans cette longue bataille. Il redoutait en effet de sombrer de nouveau. « Je lutterai pour ce en quoi je crois. Je libérerai Fhirdiad et je ramènerai la paix dans le royaume » se répéta-t-il, gorge nouée. Mais le doute poursuivait sa ritournelle, tapis dans les méandres de son esprit.

Les couloirs du monastère étaient déserts, ses pas et sa respiration troublaient à peine le silence. Il arriva devant les portes closes, se souvint de l'époque où l'archevêque Rhéa siégeait de l'autre côté, drapée dans sa blancheur liliale. Une pensée mélancolique lui vint, comme le son d'un glas, pour le Dimitri d'autrefois.

« Felix avait raison, j'étais une bête enragée ». La chose qu'il avait été pendant ces cinq années ne méritait même pas le qualificatif d'être humain : une créature rongée par la haine, perdue dans son monde crépusculaire. Dimitri n'avait pas bronché lorsque la lame avait percé son œil, la douleur et le froid lui étaient alors étrangers. Il revivait désormais tout cela depuis l'autre côté du précipice, glacé par la sidération. Il se convainquit qu'il s'agissait d'une bonne chose, d'une preuve qu'il était pleinement de retour parmi les vivants.

Un souffle effleura sa nuque et Dimitri frissonna. Ce n'était qu'un courant d'air, voilà tout. La consultation avait cependant réveillé ses émotions les plus éprouvantes. Elles erraient comme des goules affamées, des vents brûlants, des lames glacées. La pression et la fatigue des derniers jours pesaient sur ses tempes. Il avait sacrifié son temps, son sommeil, malgré les réprimandes de Byleth et Dedue, pour montrer l'exemple, prouver à ses amis qu'il méritait leur confiance. Dimitri marchait sur un fil. L'angoisse s'éveillait, compressait sa trachée à la moindre faiblesse. Sa vigilance ne se reposait jamais.

Dimitri ne se voyait pas regagner immédiatement sa chambre et ses murs clos. La bibliothèque était tout près. Il allait y attendre une accalmie avant de répartir, ne voulant pas prendre le risque d'être vu mal-en-point. Nombreux étaient ceux que le sommeil fuyait. Les rumeurs se répandraient comme un feu de forêt et saperaient le moral précaire des troupes s'il rencontrait la mauvaise personne.

Il aurait pu retourner voir Manuela, mais s'opposa à l'idée de la déranger encore. Dimitri devait essayer de se débrouiller seul. Le jeune homme songea à ses camarades, se demanda un instant s'il serait possible de restaurer leur entente. L'amitié était facile à briser et incroyablement difficile à réparer. Et le prince ne croyait de toute manière pas la mériter.

La pénombre l'accueillit et il la dissipa en allumant une chandelle. Son regard dériva vers une étagère. Il se souvint des nuits passées à tourner les pages pour en extraire la vérité...Arundel...l'oncle d'Edelgard...la tragédie de Duscur...

Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant