Chapitre 5 : Duel (partie 2)

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Felix la fixa, incrédule, puis toutes les pièces s'assemblèrent. L'archevêque Rhéa en avait pris cette décision afin de distraire les élèves dont les mois s'assombrissaient sous les événements inquiétants.

Certains s'interrogeront peut-être sur la venue d'artistes itinérants dans le monastère, mais la Déesse aime ce qui est beau. Les arts et la liesse lui sont agréables, avait-elle expliqué.

L'intérêt de Felix avait été piqué. Il gardait une certaine curiosité pour les arts même si l'épée lui demandait désormais tout son temps. Pensé pour les étudiants d'une académie militaire, le spectacle rejouait les vies de grands héros et s'inspirait d'illustres batailles tout en intercalant des tableaux plus calmes. Secondés par leurs musiciens, les danseurs avaient montré leur talent, à grand renfort de puissance et de souplesse, de précision et de grâce.

Il revit l'une d'entre eux, une grande jeune femme aux cheveux dorés. Elle était dans son souvenir vêtue d'un manteau au haut col qui s'arrêtait à ses genoux. Son pantalon et ses bottes montantes soulignaient sa silhouette élancée lorsqu'elle bondissait. Son habit était rehaussé aux épaules et à la poitrine de broderies rappelant une cotte de mailles. Une ceinture à l'éclat métallique marquait sa taille et une rangée de disques argentés ornait son front, comme autant de lunes. C'était son interlocutrice actuelle, il n'en douta pas un instant.<

Un passage l'avait particulièrement marqué. La danseuse et un interprète plus âgé, avaient simulé un duel accompagnés d'un tonnerre de percussions. L'ensemble était enjolivé de poses théâtrales et d'acrobaties pour accentuer l'aspect dramatique, les deux danseurs maîtrisaient leur art dans tous les sens du terme.

La complicité entre les deux partenaires, leur absolue confiance l'un envers l'autre, l'avait subjugué. Leurs lames, de véritables armes, s'étaient entrecroisées avec telle une célérité qu'elles en étaient devenues des traits de lumière

Un tonnerre d'applaudissements avait conclu leur partie et Felix s'y était joint de bon cœur. Trop absorbés par le spectacle, ses amis n'avaient heureusement pas remarqué sa mine émerveillée. L'homme avait ensuite pris la main de sa jeune protégée et l'avait levée très haut, la couvant d'un regard plein de fierté.

Felix se les était aussitôt imaginés père et fille, en dépit de leur absence de ressemblance. Une douleur lancinante s'était installée, un regret d'une complicité passée, de quelque chose qu'il n'aurait jamais plus. Une fois la représentation terminée, il s'était précipité au terrain d'entraînement pour s'en purger.

Cette guerrière glaciale était donc la danseuse entrevue cinq ans auparavant. L'idée lui paraissait presque incongrue. Elle aurait tout aussi bien pu avoir passé son existence à se battre. L'idée qu'il se faisait d'une artiste était tout autre : une diva théâtrale, flamboyante, cherchant l'attention des autres. Il n'y avait qu'à voir la professeure Manuela et Dorothea Arnault.

Le givre se répandit dans la poitrine de Felix et l'amertume s'installa, brouillard bas et planant. Une image le hantait : elle et lui, dans cette salle, sans se voir ni se connaître mais dans la même situation, ignorant que leur univers était sur le point de basculer.

Ce changement de vie et d'habit s'expliquait en un mot : la guerre. Comment une troupe d'artistes pouvait-elle survivre, trouver des mécènes, se déplacer dans un continent en guerre ? Non, il leur avait fallu passer à de véritables affrontements.

Et cet homme, ce père qui ne l'était peut-être pas, la soutenait-il encore sous son regard protecteur ? Ou bien avait-il payé le prix du conflit ? Était-elle orpheline comme lui ? Les autres danseurs étaient-ils toujours en vie ?

Quatre guerrières (Fire Emblem Three Houses)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant