16. Matilda

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Clark Winslow causera ma perte, d'une manière ou d'une autre. Reste à savoir ce qui de son absence de tact involontaire ou de sa capacité à se montrer particulièrement attentionné me provoquera un arrêt cardiaque en premier. Je contemple les moules à glace étalés sur le comptoir, touchée bien plus qu'il ne le devine par son attention. Le fait qu'il se souvienne de ça, de nos après-midi passés à faire des glaces me bouleverse. Je pensais que pour lui ce n'était qu'un souvenir insignifiant entre deux aventures estivales avec ma sœur, quand ils ont longtemps été pour moi des moments chéris et attendus avec impatience. Mais il semble que ça ait compté pour lui aussi finalement.

— Au fait sorcière, à propos d'hier soir...

Le maelström d'émotion que je ressens est immédiatement remplacé par un seul sentiment qui prédomine : l'angoisse. Ça y est, c'est maintenant ! Nous allons finalement avoir la conversation que j'attends et redoute depuis cinq ans.

— Quoi à propos d'hier soir ?
— Je voulais m'excuser, ce n'était pas cool de ma part de te taquiner comme ça.
— De quoi tu parles exactement ?

Je fais celle qui ne comprend pas pourquoi il s'excuse, je cherche à amener cette conversation alors même qu'une part énorme de mon cerveau me hurle de botter en touche tant que je le peux encore.

— Je n'aurais pas dû le raconter aux autres ce matin. Je suis désolé si ça t'a vexée ce n'était vraiment pas le but.

Mon cœur a un nouveau raté. Quand je vous dis que ce type me tuera. Pourtant, là où je pensais ressentir du soulagement, je me rends compte que c'est plutôt la déception qui prédomine. Un instant, j'envisage de provoquer les choses. Il suffirait que je lui dise que ce n'est pas le fait qu'il l'ait raconté aux autres ce matin qui m'a contrariée, mais la désinvolture avec laquelle il parle de son implication dans mon processus créatif. J'ouvre la bouche, mais à la dernière seconde, je me dégonfle.

— Oh, ne t'inquiète pas, je me vengerai.

Je suis récompensé de cette répartie par son sourire en coin qui creuse une fossette dans sa joue.

— Je n'en attendais pas moins de toi, sorcière, rétorque-t-il avant de me caresser la joue avec tendresse.

Ma peau me picote aux endroits où la sienne passe. Et je dois me faire violence de tout mon corps pour ne pas en réclamer plus. Aussi, je me détourne de sa main et vais cacher mon trouble dans le placard où sont rangés les sirops.

— Oh zut, comme c'est dommage, il n'y a plus d'anis, je lance juste pour l'embêter.
— Je le vois d'ici, sale peste.

Soudain, je sens sa présence dans mon dos et son bras frôle le mien quand il attrape la bouteille au goût répugnant. Tout mon corps se crispe, réceptif à la chaleur du sien. Il sent tellement bon que j'ai envie de blottir mon visage contre son torse pour sentir la douceur de son tee-shirt contre ma peau et pouvoir respirer son odeur à plein poumon.

Clark se redresse non sans m'avoir au passage gratifié d'un baiser sur la tempe qui me fait à nouveau monter les larmes aux yeux. Il est temps de reconnaitre l'évidence et d'admettre la vérité. J'ai échoué. Je pensais être passé à autre chose, tout comme je pensais être immunisé contre le charme de Clark Winslow. Mais la vérité, c'est qu'il est plus simple de ne pas être amoureuse de lui quand il est à neuf mille kilomètres de distance.

— Tu comptes sortir de ce placard à un moment donné ou tu attends de voir si un faune va apparaitre pour t'offrir le thé ?

Totalement inconscient de ce qui est en train de se jouer sous ses yeux, Clark relance notre petite joute verbale. Et s'il eut fallu une preuve supplémentaire que je suis à nouveau totalement amoureuse de lui, le bond que fait mon cœur quand il fait référence à Narnia en serait la preuve supplémentaire.

Boys in books are betterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant