3. Clark

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Depuis que je sais que nous allons passer l'été en France, j'ai beaucoup pensé à Effie, beaucoup parlé avec elle, de ce que nous ferions quand nous serions là, de comment nous pourrions l'aider à préparer son mariage, de toutes les choses qu'elle a hâte de nous faire découvrir. Matilda en revanche, pas tellement, voire pas du tout. 

Tout comme mes parents et ma tante Adrienne, Matilda fait partie des acteurs de mon été qui n'étaient pas amenés à changer. Bien sûr, je l'avais vue grandir, pousser au fil des ans. Mais à mes yeux, elle était encore et toujours la même adolescente un peu farouche, le nez plongé dans un bouquin ou en train de taper frénétiquement sur son ordinateur. Et même si j'ai conscience que cinq ans se sont écoulés depuis la dernière fois que je l'ai vue, je n'avais pas imaginé qu'elle puisse avoir changé d'une quelconque manière. Grossière erreur de ma part !

Parce que la jeune femme qui se tient face à moi et à la fois très semblable à la Matilda que j'ai connue et une parfaite étrangère. Elle a toujours ses cheveux indomptables, mais à présent cela lui donne un côté sauvage très séduisant, toujours ses grands yeux bruns, mais ils ne sont plus cachés par un livre, toujours sa bouche pulpeuse, mais débarrassée de son appareil dentaire, toujours ses vêtements confortables, mais qui dissimulent mal des formes avantageuses. 

Après avoir salué mes parents et enlacé Beckett, la voilà qui s'approche de moi, un sourire aux lèvres, pas chamboulée le moins du monde par nos retrouvailles quand, de mon côté, je suis totalement sur le cul. 

— Salut Clark ! 

Mon cerveau m'envoie un flot d'informations et de sensations contradictoires que j'ai du mal à gérer : surprise, joie, tendresse et d'autres sentiments que je préfère ignorer totalement. Aussi, un peu en pilotage automatique, je retrouve nos vieilles habitudes. 

— Salut sorcière !

Et je l'enferme dans un câlin d'ours, inspirant au passage l'odeur caractéristique de son shampoing. Voilà au moins une chose qui n'a pas changé. Quand je la libère, je ne peux pas m'empêcher de la dévisager de nouveau. 

— Quoi ? 

— Tu as l'air... différente... 

Sa bouche s'incurve de nouveau en un sourire, celui qu'elle a toujours quand elle va faire la maline. 

— Ça s'appelle grandir Clark, tu devrais essayer. C'est une expérience incroyable, je t'assure. À faire au moins une fois dans une vie. 

Je m'apprête à répliquer, mais Effie apparait enfin et se jette dans mes bras, me coupant dans mon élan. 

Ohmondieu ! Ohmondieu ! Ohmondieu ! Je suis tellement contente que vous soyez là, ça va être incroyable, génial, le meilleur été de toute notre vie. Il y a mille choses à préparer pour le mariage ! Et on a aussi tellement de trucs à voir, à faire, à visiter. J'espère que vous avez dormi dans l'avion mes petits potes, parce que vous allez avoir besoin d'un maximum d'énergie pour suivre le programme que je nous ai prévu. 

— Peut-être que vous pourriez commencer par montrer leurs chambres aux garçons. Le voyage a été long et je suppose qu'ils ne seraient pas contre une sieste et une douche, n'est-ce pas mes chéris ? intervient Adrienne. 

— Bien sûr ! Bien sûr ! Je suis tellement heureuse de vous avoir tous ici que j'en oublie les bonnes manières. 

Effie et Matilda nous précèdent dans l'escalier. Et pendant que ma meilleure amie monopolise la parole, nous expliquant le fonctionnement du domaine et comment une partie de la maison a été transformée en chambre d'hôtes de luxe, mes yeux ne peuvent s'empêcher de scruter Matilda, ses longues jambes bronzées, ses fesses moulées dans son short en jean, son...Attendez quoi ? Mais qu'est-ce qui me prend bon sang ! 

— Vous allez avoir l'immense honneur et le privilège rare d'être admis au troisième étage, messieurs. Matilda vous autorise à partager son royaume avec elle. 

Une nouvelle volée de marche plus tard, nous voilà arrivés au dernier étage de la maison ou un couloir et deux rangées de portes nous attendent. 

— Ma chambre se trouve ici. Beckett et Clark je vous laisse choisir entre ces deux chambres, Dante, tu seras à côté de moi, au fond à droite la bibliothèque, à gauche mon bureau. 

— Je ne peux pas dormir à côté de toi, s'exclame Dante, je devrais échanger avec Clark.

— Je dors toujours dans la chambre mitoyenne à la tienne quand nous sommes au ranch, je ne me souviens pas que ça n'ait jamais posé problème. 

— Et si je veux ramener une fille ?Matilda hausse un sourcil et Dante l'imite. 

J'ai l'impression qu'une partie de la conversation se joue en silence. 

— Ça ne t'a pas gêné quand il y a eu l'incident du dressing ,rétorque Matilda.

— On n'avait pas décidé de ne plus jamais évoquer ce moment ? 

— Comme si j'avais pu promettre une chose pareille ! Avec le potentiel narratif qu'il y a à en retirer. Je me vois bien le mettre dans le chapitre sept, tiens.  

— Tu es vraiment une garce Tilda, je te l'ai déjà dit ?

— Pas depuis trois jours, trésor. Tu te ramollis. Et puis de quoi tu te plains, tu connaissais les risques en trainant avec une autrice. Mais pas d'inquiétude Danny Boy, si tu rencontres l'amour de ta vie en allant chercher le pain ou au mariage de ma sœur, sache que les placards sont légion dans cette maison ! 

— Je te déteste si fort !

 — Bien sûr que non ! 

L'affection entre eux transparaît dans chacun de leurs gestes, de leurs paroles et de leurs regards. Mais rien de surprenant à ça, ces deux-là ont toujours été inséparables. Dante est d'ailleurs le seul d'entre nous qui ait continué à voir Matilda régulièrement au cours des dernières années. 

— Pardon d'interrompre votre échange de fions plein d'amours, mais Mati, j'ai besoin de toi pour le plan de table, annonce Effie. 

— Bien sûr ! Je vous laisse vous installer. Chaque chambre à sa propre salle de bain. Mais soyez patient en ce qui concerne l'eau chaude. Elle a du mal à se frayer un chemin jusqu'ici. À plus les gars !

 — Si vous avez une cousine ou une pote sexy, n'hésitez pas à l'installer à côté de moi surtout ! s'exclame mon petit frère. 

En réponse, Effie lui colle un petit coup dans le bras. Puis les filles reprennent le chemin des étages inférieurs. 

— Tu comptes rester planté là jusqu'à avoir pris la couleur du papier peint ou tu vas te décider à choisir une chambre. J'ai vraiment besoin de dormir un coup. 

J'adresse un doigt d'honneur à mon jumeau qui me rend l'appareil avant de s'engouffrer dans la chambre qui fait face à celle de Dante. Dante que j'arrête alors qu'il s'apprête à refermer sa porte. 

— Danny ? 

— Quoi ? 

— Tu ne trouves pas que Matilda... je veux dire, il y a quelque chose de changé chez elle, non ? 

Mon petit frère me fixe un instant sans rien dire l'air de se demander si je plaisante ou si je suis juste parfaitement idiot. Finalement, il éclate de rire. 

— Sans blague génie ! Tu as découvert ça tout seul ? Et sans me laisser le temps de répondre, il ferme sa porte. 

J'ai la désagréable impression d'avoir manqué quelque chose, mais quoi ?

Boys in books are betterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant