Boys in books are better

5. Clark

Je me suis couché hier pour une petite sieste réparatrice. Et je me suis réveillé ce matin, douze heures plus tard, confus, mais bien moins fatigué.

Aussi installé au bord de la piscine ou le petit déjeuner a été servi, je profite pleinement du cadre dans lequel nous nous trouvons. Et je dois dire que le dépaysement est plus grand que ce à quoi je m'attendais. Tout est tellement différent du ranch où j'ai grandi. L'air déjà chaud du début de journée embaume la terre humide, la lavande et les figues. Sous mes pieds, la dalle de pierre se chauffe petit à petit alors que le soleil monte. Une brise légère agite doucement les branches des arbres dans lesquels des cigales chantent avec force. Mais elles ne sont pas très bruyantes en comparaison de...

— Dante, pour l'amour du ciel, boucle-la une minute !

Mon petit frère s'est levé particulièrement en forme. Et depuis, il n'a pas cessé une seule seconde de faire du bruit. Que ce soit en beurrant ses tartines, en reposant les pots de confitures, en se servant du café, en mâchant, en buvant ou en nous abreuvant d'un flot de paroles ininterrompues. Une lueur de reconnaissance brille dans les yeux de Beckett alors que Dante m'adresse un regard faussement blessé. Puis ses yeux aperçoivent quelque chose derrière moi et son visage se fend soudain d'un immense sourire. Dans un bruit d'enfer, il fait racler sa chaise en fer forgé sur le sol avant de se précipiter, en sautillant presque, vers la maison.

— Maman et papa auraient dû s'en tenir à trois enfants, trois, c'est un bon chiffre, grogne mon jumeau qui n'aime le matin que lorsqu'il est parfaitement silencieux.

Nous profitons du calme enfin revenu. Mais celui-ci est de courte durée. Un cri de surprise résonne soudain me faisant lever les yeux vers le chemin qui mène à la piscine. Dante est en train de revenir vers nous, un paquet chargé sur son épaule. Paquet qui ressemble étrangement à Matilda.

— Livraison spéciale ! Claironne mon petit frère en la reposant sur le sol.
— Tu es vraiment un gigantesque crétin, râle Matilda avant de s'installer malgré tout sur ses genoux.
— Bonjour sorcière !
— 'Lut !

Et juste comme ça, le malaise que j'ai ressenti hier s'évapore totalement. Parce que la fille qui se tient face à moi est la Matilda que j'ai toujours connue : les cheveux en batailles et les yeux encore pleins de sommeil, elle a l'air d'une fille qui a passé une partie de la nuit à lire. Malgré sa poitrine que je devine sous le tissu moulant de son tee-shirt, son apparence me perturbe beaucoup moins.

J'ai été surpris, évidemment, mais c'est normal après cinq ans sans la voir et un tel changement. Enfin, rien d'étonnant à ce qu'elle ait changé, je suppose, tout le monde change. Moi non plus, je ne suis pas le même qu'à l'adolescence, et tant mieux parce que vu mon style de l'époque...

Heureusement pour moi, Effie arrive à point nommé et m'arrache à mes pensées. Elle aussi, encore mal réveillée, mais déjà superbe, se laisse choir sur la chaise à côté de la mienne, et pose sa tête sur mon épaule.

— Café ?
— Mon héros !

Pendant que je sers une tasse à ma meilleure amie, j'écoute Matilda parler de son travail à mes frères. Comme toujours quand elle évoque ce qui la passionne, son regard s'illumine de cette petite flamme qui la rend simplement adorable. Après avoir englouti sa tasse de café, Effie est parfaitement alerte et tape dans ses mains pour réclamer l'attention.

— Bon ! Comme vous le savez, le mariage est dans vingt-huit jours et il reste environ un million de choses à faire. Du coup aujourd'hui, j'aimerais vraiment qu'on les liste et qu'on fasse un planning de la répartition des tâches. Clark, Mati désolée mais en vos qualités de témoins, la plus grosse charge de travail est pour vous.
— Ah les vacances avec Effie, un moment incomparable de détente, de repos et d'oisiveté, je taquine.
— Vous avez dit que vous m'aideriez. Vous étiez tous d'accord pour le faire !
— On a dit ça nous ? Quand ? renchérit Beckett, Clark... tu t'es encore engagé en notre nom à tous ?
— Elle m'a eu dans un moment de faiblesse ! Elle venait juste de me dire que je serais son témoin, l'honneur immense qu'elle me faisait. Elle a rajouté deux ou trois souvenirs d'enfance et j'ai accepté avant même de me rendre compte de ce que je disais.

Effie qui n'aime pas qu'on lui rappelle quel petit sergent-chef elle est par moment, surtout quand elle est stressée, boude.

— Je ne te force pas la main, hein! Si tu ne veux plus être mon témoin, pas de souci, je connais d'autres gens qui seraient ravis de remplir ce rôle pour te laisser te reposer petit con !
— Tu sais bien que je te taquine, chaton. Évidemment qu'on va t'aider. Mais on a atterri seulement hier. Laisse-nous une journée pour nous remettre du voyage d'accord ?
— Je ne veux pas vous empêcher de profiter de vos vacances. C'est juste qu'il reste encore tellement à faire et que le temps passe à toute vitesse.
— Quelle chance dans ce cas que ton meilleur ami soit là pour t'aider. Tu sais le meilleur ami qui tout comme toi a un diplôme en événementiel ? Tout va bien se passer Fifi. Et tout sera prêt en temps et en heure, exactement comme tu l'avais imaginé dans ton cerveau de perfectionniste compulsive. Accorde-nous une journée de repos et demain matin, en plus de notre reconnaissance éternelle, tu auras trois esclaves, je veux dire trois amis totalement volontaires et très motivés pour t'aider, d'accord ?

Je lui adresse un clin d'œil qui lui arrache un sourire.

— D'accord, cède-t-elle dans un soupir.

Dante et Beckett se tapent dans les mains. Matilda comme toujours nous observe en silence. Ignorant mes frères, Effie reprend la parole :

— Du coup, qu'est-ce que vous voulez faire ? Il est encore tôt donc si on se dépêche de se préparer, on peut aller visiter le village avant qu'il ne fasse trop chaud. Sinon il y a un marché génial à quelques kilomètres d'ici. On pourrait y aller, acheter des trucs et se faire un pique-nique quelque part. On peut même faire le trajet à vélo et s'arrêter au retour pour visiter cette adorable petite église au milieu d'un champ. Remarquez, une balade à vélo ce n'est peut-être pas ce que vous aviez en tête quand vous parliez d'un jour de repos. Mati, des idées ?
— Ah parce que c'est moi, la spécialiste du repos maintenant ?
— Je t'ai vu rester immobile plus de quatre heures d'affilée. Ose dire que tu n'as pas envie de passer l'après-midi à bouquiner ? je taquine.
— Excusez-moi monsieur, mais tout le monde n'a pas eu la chance de faire une sieste de quinze heures. Certains d'entre nous ne sont pas en vacances et ont passé une partie de la nuit à travailler.

Je lève les mains en signe de reddition.

— Et pourquoi pas une journée piscine ? Désolé Fifi, mais je me méfie de tes petites randonnées à vélo qui se terminent en trek de six heures. Et puis j'aimerais parfaire mon bronzage pour ton mariage.

En réponse, Beckett est gratifié d'une grimace.

— Soit, va pour une journée piscine alors. Je suppose que je peux tout aussi bien m'arracher les cheveux sur le plan de table, depuis un transat.

Proposition adoptée à l'unanimité ! Alors que je m'apprête à remonter pour me changer, un mouvement attire soudain mon regard. Dans un geste souple, Matilda retire son pyjama, dévoilant son nouveau corps à peine couvert d'un maillot de bain rouge foncé.

— Tu comptes aller te changer ou tu vas te baigner tout habillé ?

Sa voix me ramène brusquement au présent et je réalise que j'étais en train de la fixer avec un peu trop d'insistance.

— Je comptais me baigner nu en fait.

Avec amusement et une pointe de satisfaction, je regarde ses joues devenir aussi rouges que son maillot. J'avais raison, ce n'était qu'une perturbation temporaire. Matilda est toujours Matilda et je crois que je vais prendre un malin plaisir à la taquiner comme avant cet été.

— Pour ce qu'il y a à voir franchement, fais-toi plaisir.

La répartie me surprend presque autant qu'elle, mais elle tourne les talons avant que je n'aie le temps de me remettre de ma surprise. Un rire bref m'échappe, je sens que ces vacances vont être intéressantes !