Chapitre 10 - Angoisses existentielles et négociations

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Un bruissement d'ailes frénétique tira Hermione de la torpeur dans laquelle la potion calmante de Madame Pomfresh l'avait plongée. Elle poussa un grognement - avant de se prendre une boule de plume dans la figure. Elle ouvrit péniblement un oeil.

"Coq !"

Elle mit quelques instants à attraper la boule d'énergie sous forme de hibou qui virevoltait dans son lit à baldaquin, une lettre attachée à la patte. Un grand duc plus calme, installé au pied du lit et tenant également une lettre dans son bec, observait patiemment le spectacle.

Le petit spectacle de Coquecigrue avait le mérite de lui faire oublier la vague d'anxiété qui allait s'emparer d'elle d'un instant à l'autre, en voyant de qui provenait le courrier : Ron, le propriétaire de Coquecigrue, et le ministère, au vu du sceau qui fermait la lettre apportée par le grand duc.

Après s'être emparée des deux courriers, non sans mal, son coeur se serra alors qu'elle se demandait lequel elle allait ouvrir en premier. Finalement, elle attrapa sa baguette et lança un sort pour ouvrir les deux en même temps.

Les deux textes laissèrent Hermione amère - comme d'habitude. Le courrier de Ron, toujours très gentil, lui demandait comment elle allait ; qu'il était désolé ; qu'elle était toujours la bienvenue au Terrier ou pour boire un verre aux Trois Chaudrons si jamais elle devait passer par Londres - il était même disposé à prendre un peu de poudre de Cheminette pour se rendre à Pré-au-Lard. Qu'il l'aimait, et qu'ils l'aimaient tous.

Quant à celui du ministère...

"Chère madame Granger, nous espérons que vos premières semaines de mission se déroule bien. Pour s'assurer de l'efficience de votre emploi, sachez qu'une première inspection par les services du Ministère seront assurés à la date du..."

Le courrier était signé personnellement par Mafalda Hopkrik, qui tenait visiblement très personnellement à ce que les nouvelles mesures anti-corruption, anti-pistonnage et archi-efficaces du ministère soient désormais appliquées.

Les yeux d'Hermione alternèrent entre la lettre de Ron et la date de visite du Ministère à Poudlard. Dans une autre vie, elle aurait accouru pour chercher un peu de réconfort auprès de Ron et Harry dès le week-end suivant. Leur soutien lui aurait permis d'avoir l'esprit plus clair, de réévaluer sa stratégie pour préparer cette fameuse inspection.

Mais ses rapports avec ses amis - et en particulier avec Ron - s'étaient distendus ; surtout après sa fuite chez les Moldus, après un an de repos passé principalement au Terrier. Initialement, elle voulait seulement offrir un peu de tranquillité aux habitants de la maison, qu'elle empêchait de dormir tous les soirs à force de cauchemars bruyants.

Mais la simplicité du monde moldu avait fini par la happer, au point de l'éloigner du monde sorcier d'une manière si intense qu'un instant, elle aurait presque pu croire être retombée en enfance, à l'époque où elle ignorait encore être une sorcière. Les non-dits étaient restés dans le monde sorcier ; et maintenant, Coquecigrue venait les lui apporter à tire-d'aile.

En voyant le minuscule hibou picorer le post-scriptum de Ron, celui où elle pouvait voir son écriture ronde souligner le mot "parents", elle poussa un gémissement anxieux.

"Ton angoisse existentielle est trop bruyante, Granger."

Hermione sursauta. Elle osa un coup d'oeil à travers le rideau de son baldaquin. Dans le lit voisin, Malefoy lui jetait une oeillade torve. Sa voix était légèrement enrouée - séquelle du sortilège d'Etranglement qu'il avait subi -, mais les poils en excès qui avaient poussé sur son corps en raison du maléfice avaient disparu.

Cher monsieur Malefoy | DramioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant