L'odeur de nicotine dans mes cheveux

Chapitre 4 : La grange

Assise sur une branche du plus grand pommier du jardin, je surveille discrètement la grange. Depuis que Maggie m'a dit ce qui s'y cache, je peine à trouver le sommeil. Dès le lendemain de son aveu, j'ai été faire le tour du bâtiment pour m'assurer qu'il est correctement scellé. J'ai été agréablement surprise par ce que j'ai vu. J'ai donc décidé de respecter la demande de mon amie, du moins le temps qu'elle trouve une solution. Cependant, je reste inquiète. Dès que j'ai un moment de libre, je grimpe sur l'arbre qui offre une vue prenante sur le dangereux bâtiment. L'arbre surplombe le campement de nos invités, ce qui permet par la même occasion de garder un œil sur Glenn. Maggie et lui sont repartis en expédition dernièrement mais depuis leurs retours, la situation entre les deux semble tendue. Elle s'est fait attaquer par un rôdeur et Glenn lui a sauvé la mise. Je sais qu'elle lui en est reconnaissante. Je sens qu'elle s'attache à lui mais elle craint qu'il ne parle. Souvent perdue dans ses pensées, elle me pose de plus en plus de questions sur l'extérieur et les morts. Ces réflexions avancent. Il faut que Glenn tienne encore un peu sa langue. Avec un peu de chance, Maggie saura trouver les mots pour ramener son père à la raison. S'il y a une chose dont je suis certaine, c'est qu'elle seule peut y parvenir.

De temps à autre, j'ai l'impression de voir la porte de la grange bouger. Peut-être est-ce un mirage, ou peut-être pas. Les yeux rivés sur celle-ci, je croque dans une pomme lorsque j'entends un râle sous mes pieds. Je vois Daryl, les mains dans le bac à lessive, en train de jurer. Il plonge et sort sa chemise de l'eau rapidement. En même temps, il frotte maladroitement, mais avec vivacité, les tâches qui ornent son vêtement. Je m'amuse quelques minutes de sa détresse puis je lui lance :

- Première lessive Dixon ?

Sa chemise sale entre les mains, il lève la tête en direction de ma voix. Son regard se pose sur moi, assise à quelques mètres au-dessus de lui.

- Tu nous surveille maintenant ? Grogne t'il.

Je croque une autre morse de mon fruit en souriant sans le quitter des yeux.

- Il faut que tu frottes avec la brosse.

Un nouveau grognement accompagne son geste lorsqu'il saisit la brosse. Il se met à frotter sa chemise comme un forcené. Son haut lui glisse des mains et goutte partout, ce qui semble l'agacer. Amusée, je le laisse peiner quelques minutes et je descends à ses côtés.

- Pas comme ça, lui dis-je en posant mes mains sur ses poignets.

Il se raidit et émet un léger râle de malaise. Je pousse ses mains en direction de la bassine.

- Fais le dans l'eau.

Je sens son regard sur moi. Gênée par ce contact qui s'éternise, je le lâche et recule d'un pas. Un minuscule temps suspendu, puis ses yeux fixent à nouveau le fond de la bassine. Il reprend nerveusement ses frottements frénétiques. Je l'observe, un sourire aux lèvres. Sans un regard, il finit par me demander :

- Tu vas me coller au cul tout le reste de la journée ?

- Pourquoi pas. Il est plutôt sympas, lui.

Suite à ma taquinerie, il marmonne quelque chose qui se situe entre une phrase et un grognement.

- Après, tu la laisses tremper quelques minutes. S'il reste des tâches, tu recommences. Sinon, tu l'essores bien et tu l'étends. Tu devrais faire ton marcel aussi, conclus-je.

Il m'écoute mais ne réagit pas. J'ai envie de lui parler de la grange. Je résiste.

- Tes blessures, ça va ?

- Ça va...

- C'est grâce à mes plantes.

Il me semble voir un semblant de sourire apparaître sur son visage concentré.