14 | Le renard

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Le renard mort gisait au milieu des feuilles mortes au pied d'un arbre

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Le renard mort gisait au milieu des feuilles mortes au pied d'un arbre. Rachel le fixait sans bouger. Elle patientait que le darakudoku réanime l'animal en shigai. Au bout d'un certain temps, le renard demeurait inanimé. Rachel utilisa un bout de bâton qui traînait là et s'assura de son trépas. Le renard était aussi raide que la bûche qu'elle tenait dans sa main. La mort se résumait donc à cela : un simple corps fait de chair et d'os dont se repaissaient les bactéries et les asticots. Quel triste constat ! Pourtant, la vérité crue et cruelle s'exposait à son regard dans toute son horreur.

L'œil du renard se résumait à un extraordinaire trou béant où se profilaient l'obscurité et le néant de la nature après le trépas. La plaie au ventre grouillait d'asticots tandis qu'un essaim de mouche à viande volait autour de la dépouille. Avec une curiosité macabre, le regard de Rachel, ressentant une sorte d'indifférence morbide, s'accrochait aux entrailles de l'animal étalait sur le lit de feuilles mortes. L'intestin grêle ressemblait à une longue corde blanchâtre, se vidant d'excréments. L'odeur était repoussante, mais Rachel y était insensible. Les années l'avaient habitué à côtoyer cette senteur âcre et viciée. Parfois, ces relents lui soulevaient le cœur. La plupart du temps, elle n'y prêtait pas attention. Le monde en dehors des murs du hameau de Takinoue lui inspirait l'horreur, le danger. La civilisation telle la connaissait s'était effondré, l'homme moderne en était revenu à ce qu'il avait été à l'époque préhistorique. Désormais, la société se limitait à celle qu'elle vivait parmi les Fukuokajin : cultiver, manger, dormir, se laver, discuter, lire des livres, se disputer, se réconcilier.

Une vie bien morne... sans éclat qui se répétait inlassablement à la perpétuité... du moins jusqu'à sa mort ! Sauf quand elle faisait l'amour avec Noritaka pour passer le temps ou réchapper à l'horreur quotidienne. Durant un bref instant, elle oubliait le monde cruel en dehors des murs de Takinoue, ne songeant qu'au plaisir, à l'orgasme qui remontait du tréfonds de son être. Quand Noritaka se retirait d'elle, Rachel se désespérait du vide qu'elle ressentait en elle. Ce vide, proche du néant, était-il une illusion de son âme torturée ou existait-il réellement, n'attendant que le moment ultime pour l'engloutir ? Possédait-elle seulement une âme ? Elle ne l'avait jamais vu, contrairement à l'intérieur d'un ventre éviscéré !

« Il est probablement mort depuis la veille », déclara la voix d'un homme derrière elle, ce qui la fit sursauter.

Hoquetant d'horreur, elle virevolta d'un seul bloc pour se confronter à l'inopportun. Rachel retint son souffle en songeant subitement qu'il pourrait s'agir d'Onojima. Rapide comme l'éclair, elle dégaina le couteau de cuisine qu'elle avait emprunté à Tsunekichi sans sa permission. L'air très amusé, Adachi para le coup en lui opposant son bâton de marche dont il ne séparait jamais quand il explorait la campagne. Ce maudit Fukuokajin avait l'art de se faufiler sans faire le moindre bruit.

« Tu es rapide, la gaikokujin », sembla-t-il la féliciter.

La félicitait-il seulement ? Rachel n'en était pas si sûre. Néanmoins, il se félicita de la désarmer avec une facilité ahurissante. « Tsunekichi va être ravi de revoir son couteau de cuisine, se moqua-t-il. Je peux savoir ce que tu comptais faire avec cet ustensile de cuisine.

All Undead | Momento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant