73. The Empire Strikes Back

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NdA : Dire que je ne suis pas contente de ce chapitre est un euphémisme. Mais il ne veut pas sortir autrement pour l'instant et je voudrais vraiment vraiment vraiment atteindre la ligne d'arrivée, alors le voilà quand même. 

***

L'espace du restaurant s'ouvrit devant eux comme un vaste temple, jalonné de piliers soutenant son haut plafond et peuplé des silhouettes imprécises des tables alignées. Les chaises, retournées, pointaient leurs pieds vers le ciel, en une forêt d'épieux émoussés. La lumière du dehors se déversait au travers des larges fenêtres qui couvraient le mur droit, reflets de la ville, blanc, jaune, rose, mais aussi de lueurs plus proches, en contrebas, bleu, rouge, argent. Sur une façade voisine, le mot Légendes, en néons or, clignotait dans un ballet étudié. Nina et Yann se portèrent immédiatement vers les vitres, curieux du spectacle. Hector les suivit sur quelques mètres, puis jeta un regard en arrière, vers Lancelot, qui émergeait seulement des profondeurs.

Arthur était loin d'être un poids plume et le chevalier le laissa mettre pied à terre. Le roi vacilla, s'appuya d'une main sur la large poitrine de son compagnon, puis s'écarta de quelques pas incertains dans la travée centrale du réfectoire. Hector brûla de se porter à sa rencontre, de lui offrir son bras, mais se l'interdit, soucieux à la fois de ne pas le fragiliser mais aussi de ne pas provoquer Lancelot. Le souverain carra les épaules et parut, pendant un instant, plus fort. L'illusion ne dura pas plus de quelques secondes. Arthur perdit l'équilibre et son chevalier, qui l'avait lui aussi surveillé, intervint rapidement pour le soutenir.

La rage et l'affliction se disputèrent les pensées orageuses du Troyen tandis qu'Arthur, immobile, reprenait son souffle. À quelques mètres sur la droite, Yann et Nina murmuraient à mi-voix, nez contre la paroi de verre, tout en désignant des choses invisibles à l'extérieur. Sans doute Hector aurait-il dû les rejoindre, mais il se sentait désorienté, las, triste aussi, un cocktail d'émotions douloureuses qui lui meurtrissait le corps et l'âme, lui coupant tout élan.

Capituler.

Il n'y avait même jamais songé.

Sa main frôla son flanc engourdi, un geste devenu réflexe. L'étoffe était sèche, un signe dans lequel il devait puiser du courage. La survie d'Arthur dépendait en partie de la bonne volonté de son destrier improvisé. Il devait faire sa part du travail en cajolant la bête, aussi pénible cela soit-il.

Nina et Yann bousculèrent des chaises pour revenir vers lui. L'une d'entre elles glissa de son support et heurta le sol dans un fracas tonitruant, en entraînant d'autres avec elle. En canon, un claquement sec retentit à distance et une rangée de lampes s'alluma au fond de la pièce.

Suivie par une autre.

Une troisième.

Encore une, dans un staccato de bourdonnements sourds, jusqu'à les surplomber.

— Arthur, enfin je te retrouve ! tonna une voix de basse.

Dans l'allée principale du restaurant, un petit groupe s'approchait, une dizaine d'hommes, encadrant une silhouette en robe verte.

— Merlin ! s'exclama le jeune roi, stupéfait et soulagé.

— Oh non, lâcha Nina, en écho.

Elle se précipita vers Arthur, mais ralentit à hauteur d'Hector, soudain moins assurée. Il la saisit par le bras, la fit passer derrière lui, un réflexe. Yann s'était figé quelques pas sur sa droite, dans l'ombre d'un pilier, peut-être dissimulé, peut-être pas. Face aux nouveaux venus, Lancelot et Arthur étaient exposés, en revanche, droit sur leur trajectoire, même s'il leur restait une vingtaine de mètres à parcourir. Ils auraient dû fuir, tout de suite, dès la première lumière, mais il était bien trop tard.

Les Héros de RienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant