81. Requiem for a dream

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Hector retraversa le défilé des horreurs sans ralentir, bien qu'il ne soit plus en état de courir. Même s'il ne ressentait toujours pas la fatigue, son corps ne suivait plus les injonctions de son esprit, ne se mouvait plus avec la souplesse et la célérité qu'il était en droit d'espérer. Il trébucha dans les dernières marches, manqua tomber, se redressa d'une paume sur le mur, avant d'entrer à l'étage du laboratoire.

Les néons s'allumèrent pour saluer son retour, haie d'honneur blafarde révélant leurs empreintes dans la poussière. Le Troyen extirpa la clé de sa poche, frôlant le pistolet au passage, et déverrouilla la porte de la chambre.

Arthur vivait toujours. Il l'entendit au son rauque qui s'échappait de sa gorge, mais la pièce dégageait désormais une odeur atroce, qui avait oblitéré tout parfum d'abandon. Hector se força au calme. Il ne pouvait pas se détourner.

Il se précipita au chevet du jeune roi, posa la main sur son coeur, évita de regarder son visage.

Leo se trompait.

Max les attendait.

Alex le sauverait.

Avec précaution, il dégagea le drap de sous Arthur. Quand il essaya de lui prendre son épée, la poigne du Breton se resserra sur le manche. Borné jusqu'à la fin. Hector renonça à l'en débarrasser, la déplaça sur sa poitrine, où elle le gênerait moins, puis entortilla le drap qu'il avait récupéré pour en faire un semblant de sangle. Il la fit passer vaille que vaille sous le matelas, la glissa sous les bras du Breton puis la noua sur sa poitrine. Sans doute aurait-il dû lui arrimer les jambes, mais ils manquaient de temps.

Quinze minutes.

Notion floue.

Hâte-toi.

Il souleva le matelas de son sommier et le tira jusqu'au sol, surveillant qu'Arthur n'en tombait pas, puis le tracta vers la sortie. Le jeune roi ouvrit les yeux et croisa son regard. Son expression demeura vide, comme s'il ne le voyait pas. Hector baissa la tête, s'arcbouta et poursuivit sa lente progression vers le couloir.

Étroite, l'embrasure de la porte constituait un premier obstacle et il s'arrêta pour plier son fardeau à la nécessité. En s'appuyant contre la toile, il la macula d'écarlate. Il refusa de s'en soucier.

Un bruit sourd retentit soudain au fond du couloir. Des éclats de voix traversèrent le plancher, des cris, provenant de l'étage inférieur. Hector se figea. Des chocs irréguliers, frappés, résonnaient dans la cage d'escaliers. Quelqu'un était coincé derrière la porte du grenier et tentait d'en forcer l'accès protégé.

Sur mon honneur.

L'honneur d'un abruti, d'après Leo, mais Arthur, lui, aurait compris.

Hector remonta vivement le couloir, descendit les marches et ouvrit la porte. Serena se précipita aussitôt à l'intérieur et faillit le renverser. Échevelée, couverte de sang – et d'autre chose – elle paraissait bouleversée.

— Il est... Il l'a...

Abattu comme un lièvre, devina Hector.

Il referma vivement la porte. Des voix leur parvinrent, encore lointaines, comme d'autres personnes débouchaient dans la réserve à objets futiles.

— Elle n'a pas pu aller bien loin, elle n'a pas l'accès pour monter, déclara quelqu'un.

Hector posa un doigt sur les lèvres de la jeune femme et l'entraîna vers les hauteurs. Miles réaliserait tôt ou tard que sa maîtresse avait réussi à franchir le passage : quelques minutes seulement les séparaient de l'inévitable. Le Troyen la soutint jusqu'au niveau du laboratoire.

Les Héros de RienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant