1 - mon jupiter

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Jupiter aurait pu être une étoile mais elle n'était pas assez.

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Je regardai paresseusement à travers la vitre et pressai mon front sur le verre froid. J'adorais les voyages en voiture, je les aimais encore plus que la destination à vrai dire. Cette fois n'étais pas une exception.

Ce n'était pas un événement en particulier qui m'a amenée à cette situation mais j'étais sûre que personne n'allait me tirer de là de sitôt. J'étais lancée dans une thérapie de groupe jusqu'à ce que quelqu'un (et pas moi), décide que j'allais 'mieux'. Le mot 'mieux' étant extrêmement abstrait avant que je réalise qu'il relevait du jugement de ma mère.

Elle était persuadée qu'elle ne pouvait pas trouver meilleure chose pour moi et à part me faire retirer mon téléphone, aucune de mes conversations avec elle n'avait amené à un accord. Convaincue que le fait de parler à d'autres personnes me ferait me sentir mieux, elle avait pris son initiative seule, comme elle le faisait si bien.

En l'écoutant, je n'avais retenu que le fait qu'elle souhaitait me débarrasser de "cette étroitesse d'esprit" comme elle l'appelait. Malgré toutes mes supplications, sa volonté d'acier n'avait pas failli et elle s'était même renforcée.

A l'extérieur du véhicule, la bise automnale décrochait les dernières feuilles tenaces au fil des bourrasques. Les arbres se dénudaient de plus en plus tandis que leur robe maintenant orangée s'amoncelaient autour d'eux. Les rues m'étaient familières hors que vaguement et sans réelles mémoires d'y être déjà allée.

Les raisons de ma présence étaient tellement simples et mondaines pour moi qu'il m'arrivait de penser que tout cela n'était qu'une vaste blague. A de nombreuses reprises, c'était l'échec qui me rattrapait ; pas seulement le sentiment de vide que celui-ci produisait mais plutôt la panique qui montait en moi.

Toute ma vie, on m'avait répété que j'étais spéciale, au-dessus de la moyenne, alors que la seule chose qui me démarquait des autres était mon acharnement à la tâche. Puis un jour on m'avait collé l'étiquette de génie puis jetée avec eux. A ce moment, j'avais réalisé mon impuissance face à ceux qui savaient déjà tout.

Maintenant je n'étais plus celle que les autres admiraient et celle à qui ils aspiraient ressembler, je n'étais plus qu'une personne comme les autres. Dans cette masse, rien ni personne ne se démarquaient et l'échec nous attend au tournant.

Lorsque la pression est, un jour, devenue trop grande, trop inhabituelle pour que je puisse la garder pour moi, il était déjà trop tard pour me rattraper.

Ainsi, le masque était tombé et je n'étais plus qu'une adolescente en manque de confiance et hantée par une peur viscérale. Une peur que quelqu'un me dépasse dans les choses que j'aimais.
A côté de moi, ma mère se mit à fredonner un air familier et je fermai les yeux. Même l'arrière de mes paupières n'était pas aussi reposant que ce que j'aurais voulu. Des formes abstraites flottaient à tort et à travers comme si elles étaient passées à travers un prisme. Si je tentais de me concentrer sur l'une d'elles, elle disparaissait pour laisser place à d'autres formes comme à travers un kaléidoscope.

J'étudiais encore les formes quand la voiture s'arrêta abruptement.

On est arrivées ! j'entendis ma mère s'exclamer.

Les yeux maintenant ouverts, je forçai un sourire sur mon visage et enfonçai les mains dans mes poches, mes ongles creusant mes paumes. J'appréhendais ce qui allait se passer sans raison apparente; je n'avais jamais eu peur de parler devant d'autres personnes pourtant cette fois si rien ne semblait à sa place, pas même mes propres capacités.

𝐇𝐈𝐆𝐇 𝐀𝐂𝐇𝐈𝐄𝐕𝐄𝐑𝐒 | 𝘵. 𝘰𝘪𝘬𝘢𝘸𝘢 𝘹 𝘳𝘦𝘢𝘥𝘦𝘳Où les histoires vivent. Découvrez maintenant