𝐁𝐄𝐒𝐓 (𝐁𝐎𝐘)𝐅𝐑𝐈𝐄𝐍𝐃𝐒 | ❛ᵐᵃᵉⁱˢᵒ❜

𝟥𝟥.

Quand Isogai se réveilla, il était affreusement tôt. Les premières lueurs du jour ne filtraient pas encore au travers des volets. Sans bouger, il tenta alors de se rendormir. Mais ce fut impossible. Pour une raison qui lui échappait, son corps n'était pas décidé à retrouver le sommeil et semblait plutôt résolu à le faire souffrir. Recroquevillé dans le creux de son matelas, même pas couvert de sa couette, le brun avait mal. Des pieds à la tête.

Il pensa d'abord que c'était de simples courbatures dues à son job mais, très vite, il sentit que ce n'était pas que cela. Sa tête et son estomac étaient particulièrement douloureux. En menant une main contre son front, il se souvint pourquoi tandis que ses doigts effleuraient le pansement qui s'y trouvait. La veille, il s'était fait agresser. En voulant le voler, on l'avait frappé. Il s'en était tiré sans écoper de quelque chose de grave, et pourtant, les images entamèrent de se rejouer dans son esprit, de cogner les parois de son crâne. 

Il se revit moins de vingt-quatre heures plus tôt, suivant le chemin habituel pour rentrer chez lui. L'heure du dîner approchait, était peut-être même arrivée. En ce début de mois d'octobre, le soleil avait bien entamé sa descente et les nuages crépusculaires menaçaient d'abattre leur pluie sur la ville. Toutefois ce soir-là, ce fut une tout autre chose qui s'abattit sur Yuma.

Alors qu'il passait devant une ruelle banale et étroite, à laquelle il ne faisait pas plus attention qu'à une autre, une main s'extirpa de l'ombre pour l'y tirer brusquement. Sans qu'il n'ait le temps de réaliser ce qu'il se passait, deux silhouettes le plaquèrent contre un mur et deux autres se dressèrent devant lui. Celles de part et d'autre de lui tenaient fermement ses bras et pressaient ses épaules contre la brique, si fort qu'il émit un couinement de douleur. Aussitôt, la peur lui noua la gorge. Il tenta de bouger, mais n'y parvint pas. Parce qu'on le maintenait trop puissamment ? Ou parce que son corps semblait paralysé ? Il n'en savait rien. Tout ce qu'il comprit, c'était qu'il était piégé.

L'une des deux personnes face à lui approcha son visage du sien, pendant que l'autre restait en retrait. Elle était près, trop près. Les quatre ombres autour de lui, trois masculines et une féminine, l'étaient. Paniqué, il essaya de les dévisager, mais toutes les figures étaient masquées et les chevelures partiellement dissimulées sous des capuches. Il se sentait oppressé, horriblement oppressé. La frayeur drapant son cœur s'accentua lorsqu'une main gantée attrapa son menton, puis le tourna de façon à ce qu'il confronte le regard dénué de toutes bonnes intentions dépassant le sien. 

- Toi. File-nous ton argent ou on te frappe ! le menaça une voix, glaciale.

Un frisson des plus désagréables longea son échine et fit trembler ses membres un instant. De l'argent ? Il n'en emportait jamais avec lui au travail. Quelqu'un d'aussi pauvre que lui n'avait de toute manière rien de bien intéressant dans son porte-monnaie.

- J-je n'ai rien sur moi, bégaya-t-il, d'un ton étouffé.

Cette réponse lui valut de se prendre le poing de l'homme en plein dans l'arcade. Un bruissement de douleur s'arracha à ses lèvres, aussitôt suivi d'un second alors que l'arrière de son crâne heurtait le mur sous l'effet du coup. Légèrement sonné, sa tête vacilla et ses jambes flageolèrent. L'intensité de sa crainte se multiplia en une fraction de seconde, rendit son souffle plus court et son corps plus faible.

- Tch, te fous pas de moi ! lui cria-t-il.

Isogai peina à le confronter à nouveau. Dire ou faire quoi que se soit lui était impossible sur le moment. Ses pensées hurlaient pourtant pour prouver qu'il disait la vérité, pour assurer qu'il n'avait pas un seul yen à leur donner. Ses muscles étaient contractés, semblaient prêts à se mobiliser pour se dégager de ces silhouettes qui le retenaient ou le dévisageaient. Mais rien. À travers ses yeux, il ne parvint qu'à laisser transparaître l'effroi qui le rendait impuissant.