Attablé aux côtés de l'une de ses aînées, le dernier de la fratrie essayait tant bien que mal d'avaler le dîner préparé par son père et lui-même, en dépit de sa gorge étroitement serrée. Comme convenu, il était rentré chez lui le temps du week-end et, depuis qu'il avait quitté l'appartement des Isogai, son cœur restait désagréablement enserré. Il regrettait l'atmosphère régnant là-bas et détestait celle surplombant la maison où il avait toujours résidé. Ses sœurs, bien que n'ayant pas une seule fois éprouvé une quelconque méchanceté envers lui, ne s'étaient jamais montrées particulièrement présentes. Sa génitrice, même en étant à l'extrémité de la table et sans lui accorder ne serait-ce qu'un regard, parvenait à faire peser sur ses épaules le reproche d'avoir choisi de vivre sous le toit d'une autre famille. Assis face à elle, son demi-frère prenait un malin plaisir à lui jeter des regards qu'il n'avait pas eu à confronter depuis de longues années, des regards qui avait toujours cette affreuse capacité à érafler son échine d'un frisson.
Malgré lui, Maehara sentait l'angoisse tendre son corps des pieds à la tête. Ici, entre ces murs et près de sa famille animant les conversations sans lui, il ne se sentait ni à sa place ni en sécurité. Il aurait d'ailleurs saisi la première occasion pour fuir si son père n'avait pas été là. Sa présence était bien la seule chose lui permettant de ne pas craquer d'une façon ou d'une autre. Dès l'instant où son fils était rentré, tard dans l'après-midi, Makoto n'avait presque pas cessé de garder un œil sur lui, guettant le moindre signe trop alarmant. En dépit de ses tentatives pour le dissimuler, le manque d'aise du roux n'avait pas échappé à son paternel. Ce dernier n'avait toutefois pas cherché à creuser le sujet dès lors qu'Hiroto lui avait fait comprendre avoir besoin de légèreté, bien plus que d'épanchements. C'était pour cette raison qu'il avait proposé au benjamin de s'occuper du repas avec lui, tous deux avaient ainsi pu passer un moment aussi rassérénant pour l'un que pour l'autre.
Mais ce moment était terminé. Entouré de toutes ces têtes, hautement familières et pourtant si étrangères, Maehara peinait de plus en plus à jouer le rôle attendu de lui au milieu de cette scène. Ses doigts étaient crispés sur ses couverts et ses dents mâchaient à peine les maigres bouchées passant ses lèvres. Il finit d'ailleurs par ne plus réussir à masquer les grimaces engendrées par la nourriture qu'il avait envie de recracher aussitôt après l'avoir ingurgitée. Il aurait pu prétexter ne plus avoir faim, néanmoins il craignait de se voir adresser une remarque désobligeante. Alors il se tut et s'efforça de prendre son mal en patience. Heureusement, son père remarqua les efforts qu'il déployait pour terminer son assiette et, profitant du fait que les femmes de la famille étaient prises par une discussion visiblement fascinante, décida de mettre un terme à ce qui était semblable à un supplice pour lui.
- Hiroto, donne-moi ce que tu ne veux plus, lui chuchota-t-il, désignant son plat du regard.
- J-je peux te donner tout ce qu'il reste ?
Le roux surprit sa voix à trembler, feignit cependant n'avoir rien remarqué et soutint les iris fixant les siennes. Répondant par un sourire rassurant, Makoto échangea leurs assiettes en un instant. Le plus jeune murmura un simple merci, qui parut déjà desserrer les parois de sa gorge. Restant à table par pure politesse, il se concentra à fixer le coucher de soleil que laissait apercevoir la baie vitrée, s'échappant comme il le pouvait du lieu où il était retenu. Finalement, son père émit l'idée de l'autoriser à rejoindre sa chambre, à laquelle sa mère acquiesça d'un hochement de tête, bref et sec.
En quelques secondes tout au plus, Maehara avait rejoint l'étage et s'était réfugié dans la pièce où trônait son lit, sur lequel il s'effondra aussitôt après être parvenu à échanger ses habits contre d'autres plus confortables. Les quelques heures passées dans cette maison l'avaient déjà à moitié épuisé. Il faisait pourtant bien moins ici que chez son meilleur ami. Il n'y avait pas de jeunes enfants à s'occuper, pas de tâches ménagères à faire pour épargner une mère éreintée, et ses devoirs attendraient la dernière minute du week-end pour être faits.

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𝐁𝐄𝐒𝐓 (𝐁𝐎𝐘)𝐅𝐑𝐈𝐄𝐍𝐃𝐒 | ❛ᵐᵃᵉⁱˢᵒ❜
Fanfiction;; ❒ - Après deux années à s'être éloignés, tous deux ayant pris des chemins différents suite à la fin de la classe E, Hiroto Maehara et Yuma Isogai se retrouvent lors de leur dernière année de lycée. Meilleurs amis depuis l'enfance, le retour du ro...