𝐈𝐈𝐈- 𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫𝐬 𝐞́𝐜𝐡𝐚𝐧𝐠𝐞𝐬

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🎶Let the light in - Lana Del Rey 🎶

" DANS  la noirceur de mon appartement, seul l'écran de mon vieil ordinateur éclaire la pièce.

Je regarde avec attention la petite icône qui s'y affiche. Une notification, mais pas n'importe laquelle. C'était un message, un message qui venait directement faire réponse au long texte que j'avais laissé, quelques heures plus tôt, sur le forum.

Moi qui pensais que ce réseau était inutilisé depuis des années.

J'étais surpris -et soulagé- de voir que je n'étais pas la seule personne étrange à m'être souvenue de l'existence d'un vieux blog old school pour ados. Et pourtant, les faits étaient là, et quelqu'un m'avait bel et bien répondu.

En restant debout face à mon bureau, je me suis rapidement connecté pour lire la réponse. C'était un message d'encouragements... Plutôt de soutien. La personne me souhaitait du courage pour traverser ce que je vivais -comme si on parlait de quelque chose de terrible- et ajoutait même :

" - Si tu souhaites en parler de nouveau, n'hésite pas à remettre un message public ou à venir en MP."

La personne avait ajouté une petite émoticone à la fin de son message.

C'était absolument ridicule...
Mais ça me faisait du bien.

J'avais la sensation, au plus profond de moi, d'être retourné des années en arrière. Avant la politique, avant les études, avant les problèmes.
L'interface pixelisée... les emojis... rien que le mot MP ; j'avais l'impression de ne pas avoir vu toutes ces choses depuis des années, mais que tout à coup, elles refaisaient surface... Au moment où j'en avais le plus besoin.

J'ai jeté un œil au pseudonyme de la personne. Lui aussi semblait être une machine à remonter le temps. C'était un assortiment de chiffres et de lettres incompréhensible, qui n'avaient probablement de sens dans aucune des langues de ce monde. Le tout, avec une photo de profil noire. Je souris.

En voilà un qui souhaitait garder l'anonymat.

J'hésitai un moment avant de répondre quelque chose. Je pesais le pour et le contre, me demandant s'il était vraiment raisonnable de discuter avec cet inconnu.
Mais je finis par me prêter au jeu. Pas une longue réponse, c'est vrai, mais simplement de quoi remercier la personne.

" - Merci beaucoup, je n'hésiterai pas à l'avenir."

J'étais encore un peu sur la réserve, mais je crois que pour la première fois depuis longtemps, j'avais cessé toute inquiétude par rapport à mon image. À la personne que j'étais, que je suis.

Pour la première fois, depuis longtemps, je me sentais redevenir Gabriel. Pas Gabriel Attal, le Premier ministre, juste Gabriel.
Le jeune homme que l'on tutoie, le jeune homme avec des sentiments. Pas cette espèce de figure publique que je suis devenue depuis des années.

J'ai émis un long soupir de soulagement. Ça me faisait tellement de bien. Un parfait inconnu, pour qui j'étais un parfait inconnu, et j'avais la possibilité de me confier. Autant que je le souhaitais.

Je ne suis pas sûr de vouloir utiliser ce droit, mais c'était déjà bon à savoir.

Je restais là, à fixer l'écran pensant plusieurs minutes, avant de finalement mettre en veille l'appareil.

J'avançais dans la pénombre de la pièce jusqu'à atteindre mon lit. Je me suis allongé, restant droit comme un piquet, à fixer le plafond. En réalité, je ne voyais pas grand-chose, mais je me contentais de figer mon regard dans l'obscurité. Cette fois-ci, je craignais de ne pas réussir à m'endormir.

Mes craintes se sont confirmées.

Je ne cessais de ruminer tout ce que j'avais écrit sur le forum. Et les quelques mots que cet inconnu avait répondu. Les phrases tournaient en boucle dans ma tête.

Quand il me semblait que la nuit s'était déjà en grande partie écoulée, j'ai tourné la tête en direction de mon réveil, qui affichait toujours l'heure en grands chiffres rouges.

04:32

Je fis un rapide calcul mental. Je devais me lever à sept heures du matin, il me restait alors trois heures et vingt-huit minutes de sommeil.

Je me suis mis à me mordre la lèvre.
Une envie me démangeait dans tout l'être.

Je voulais aller écrire sur le forum.

J'avais besoin de parler encore.

Je luttais un moment contre ma volonté, avant d'y céder, et de me lever, presque en trombe, pour me hâter vers mon bureau.

En retournant sur le forum, je me sentais soulagée lorsque je voyais que le statut de l'utilisateur qui m'avait répondu affichait En ligne. Je me questionnais d'abord, me demandant pourquoi il était encore en ligne à cette heure-là, et je me suis rappelé que je faisais l'exact même chose.

J'ai cliqué sur le profil de l'inconnu.
Peu d'informations, hormis le petit icon vert qui annonçait qu'il était actuellement connecté et le pictogramme -♂- symbole masculin. Mes yeux dérivèrent sur le bouton qui permettait d'accéder aux messages privés d'une personne.

Je le fixais un moment, et posais même le curseur de ma souris dessus.
Mais je me ravisais en vitesse et retournai sur le forum publique. Comme tout à l'heure, je me mis à écrire, coucher mes sentiments sur l'écran.

J'y décrivais mon insomnie. Mes insomnies. Le stress que je ressentais chaque soir au moment d'aller dormir. Les crises de paniques quand j'entendais mon réveil le matin.

Quand j'appuyais sur Envoyer, une petite impatience se forma en moi. Je me mis a frénétiquement pianoté sur la plateforme en bois. Et ronger mes ongles avec l'autre main.

Les secondes passaient.
J'attendais une réponse.
Et je savais qu'il était en ligne.

À vrai dire, cette personne ne me devait rien. Elle m'avait répondu une fois... Mais n'était pas obligé de recommencer.
Pourtant, j'en attendais beaucoup.
Parce que je voulais retrouver cette sensation qui m'avait fait tant de bien.

Celle d'être Gabriel.
Juste Gabriel.

Plusieurs minutes passèrent.
Je me résignai lentement à recevoir une réponse, du moins pour ce soir.
J'ai pris appui sur mon bureau pour pousser mon corps à se relever de ma chaise, mais un bruit, que j'avais déjà entendu plus tôt dans la soirée, me poussa à rester coller à cette dernière.

C'était de nouveau cette même notification. Il m'avait répondu.

Je me suis empressé de lire la réponse.
Elle était ce que j'attendais.
C'était parfait.

J'ai posé mes doigts sur le clavier et ai appuyé avec une vitesse impressionnante sur les touches...

Ce soir-là, je ne dormis pas une seconde de plus. Trop occupé à écrire.

Et je pu éteindre mon réveil à six heures cinquante-neuf. Une minute avant qu'il ne sonne."

Au delà du réel [ BARDATTAL ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant