19. Incompatibilités d'humeur

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— Je maintiens ce que je disais : c'est une très mauvaise idée, Pol.
— Sans doute, mais je n'ai pas envie de rester les bras croisés à attendre. Ce n'est pas pour ça que je suis venu jusqu'ici.
— Laisse tomber. L'Inquisiteur a l'intention de faire tout le boulot. Pourquoi te casser la tête à prendre un quelconque risque?

Le comte fit une brusque volte-face.

— Pourquoi? Parce que ce n'est pas ça être un aristocrate de l'Impérium galactique. Nous sommes ici pour en tant qu'envoyés impériaux. Donc, je fais ce que me commande l'Empereur. Vu?

Nass haussa les épaules avec indifférence. Il glissa un signet dans son livre en soupirant sous le regard agacé de Pol. Le jeune noble s'ennuyait ferme et en avait eu assez d'écouter le silence en regardant le mercenaire lire une Bible.

— Depuis quand tu lis ça, toi?
— J'ai décidé que je devais comprendre la foi des autochtones dans ce Créateur. Je me suis donc  procuré les textes fondateurs de l'Evangile du Créateur et j'ai prévu de tous les lire.

Pol n'en croyait pas un mot. Les fondements du Temple de Créateur reposait sur un syncrétisme religieux unissant diverses religions monothéistes de l'ancienne Terre. Il fallait toute une vie pour espérer en lire la plupart, et sans doute plusieurs pour les comprendre, de la Torah au Coran, en passant par les diverses exégèses.

— Ouais, et bien je te souhaite bon courage. Moi, je n'ai pas du tout l'intention de moisir ici en attendant. 
— Et tu comptes faire quoi?
— Je vais voir Manfred. Lui poser quelques questions sur son accident.

Avec un peu de chance, ça m'occupera un peu en me changeant les idées.

Pol salua les gardes en faction devant la chambre du duc. Embarrassés, les deux hommes se regardèrent. L'arrivée du médiateur impérial était très attendue ; par conséquent, tout le monde ici savait qui il était et les factionnaires ne pouvaient pas prétendre le contraire. De mauvaise grâce, ils le laissèrent passer.

— Prenez garde, Médiateur. La douleur rend le duc assez... Difficile.

En entendant cette déclaration, l'autre garde eut un rictus, avant d'ajouter : 

— Plus que d'habitude, m'est avis. Allez-y doucement, on aimerait éviter les incidents protocolaires, déclara t-il d'un ton sardonique.
— Nous sommes de nobles gentlemen, messieurs. Nous savons comment nous tenir, rétorqua Pol, en espérant que son message implicite fut bien reçu.
— Sans doute, messire. Laissez vos armes à l'entrée. Ce sont les ordres de mon Duc.

Le comte et le mercenaire obéirent avant d'être mis enfin en présence du fuyant Manfred de Précaret. L'homme était alité dans un lit à baldaquin luxueux (pour l'endroit). Plusieurs coussins maintenaient l'homme en position assise sous ses draps blancs en pseudo-lin.

A l'exception de son teint pâle, il semblait en forme sous sa chemise médicale. Le duc était un homme jeune, à peine plus âgé que Pol, le visage harmonieux, les cheveux sombres en bataille. Le seul détail qui dérangea Pol fut son regard. L'homme avait le regard noir de la colère contenue, les plis amer du mépris autour de la bouche et les sourcils froncés du mécontentement.

— Ah, Comte de Barcueil. L'émissaire. Mais je vous en prie, entrez et prenez place. J'ai un peu de temps devant moi.

Pol grimaça face à la froide hypocrisie du duc et de son accueil alors que Nass nageait dans la plus profonde indifférence, un léger sourire flottant sur ses lèvres.

— Je suis satisfait de voir que vous allez bien, M. le Duc. L'Empereur sera satisfait que le Créateur vous ait tenu en sa sainte garde.

Manfred fit une moue méprisante en roulant des yeux.

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