Chapitre 2 - Confidence (Gabriel)

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Je dois absolument voir Joyce, j'ai merdé.

     Mon débat contre Jordan Bardella s'est bien passé, j'ai l'habitude de m'exposer face aux médias, Manu m'a coaché bon nombre de fois. Je suis capable de répondre, avec calme, patience et maîtrise à toutes ses pics lancées ça et là. Jordan est un novice dans le métier. Sa gueule d'ange ne lui suffira pas à percer les arcanes politiques (mais peut-être percera-t-il celle de l'électorat, cette jeunesse immature qui n'écoute plus les discours et se contente des belles gueules...). Argh ! Si je suis parvenu à garder mon calme face à ses coups bas et à contrôler mon désir de téléphoner à Manu pour le supplier de changer d'avis sur nous, maintenant que je suis sorti du plateau, mon stress remonte.

    En flèche.

J'ai voulu appeler le président, à la fois pour savoir ce qu'il avait pensé de ma prestation médiatique, mais aussi pour le ramener à la raison. Lui dire qu'il n'a pas à craindre Brigitte, que nous sommes prévenants, que notre amour secret, consommé à l'ombre de l'Élysée, dans ses recoins secrets, doit continuer. Que nos coeurs et nos corps souffrent quand ils sont loin l'un de l'autre et que je me languis chaque jour de le voir, le toucher, l'effleurer...

Alors que je venais de m'enfermer dans ma loge pour retirer la quantité astronomique de maquillage et autres poudre mises sur mon visage pour passer à la télé, mon portable s'est mis à vibrer. Naïvement, j'ai pensé que c'était un SMS d'Emmanuel, alors je l'ai pris. Quelle n'a pas été ma surprise en voyant le prénom de Jordan Bardella s'afficher, mon concurrent numéro 1 que je venais à peine de quitter. Je lui manque déjà?

J'ai ouvert le message et c'est là que je l'ai vu : la vidéo.

Enfin, une vidéo, de moi et Manu, en train de nous embrasser (et pas que, malheureusement...). Elle a visiblement été prise à la dérobée par une personne se trouvant sans doute à l'Élysée quand nous nous étions retrouvés entre deux réunions, dans son bureau, pour nous adonner à notre plaisir commun. C'est une très belle vidéo, soit dit en passant, que j'aurais été ravi de conserver dans un autre contexte mais que Jordan Bardella n'aurait absolument JAMAIS dû voir. Ni posséder.

Oh putain ! Qui a pris cette vidéo? Qui?

J'ai coupé mon portable et appelé Joyce.

– Je suis dans la merde.

– Encore? Il s'est passé quoi cette fois? Macron ne peut pas dissoudre deux fois l'Assemblée, si ?

Elle rit. La situation n'a pourtant rien de cocasse.

– Ou alors, tu as été viré?

– Joyce ! Je déconne pas ! Jordan Bardella est en possession d'une vidéo compromettante.

Silence au bout du fil.

– OK. Viens, je t'attends, on en discutera autour d'un verre.

Mon amour d'enfance est toujours prête à recevoir mes confidences quand j'en ai besoin, elle est l'une des seules au courant pour le président et moi. La politique est un monde de requins, difficile de se confier quand on est sans cesse surveillé et que la presse vous attend au tournant. Je n'ai pas pu ni voulu cacher mon homosexualité, mais je ne peux pas exposer les tendances secrètes d'Emmanuel. Il en va de la survie de la Nation et je suis un homme d'État dévoué.

Voilà comment je me retrouve, à la nuit tombée, à frapper contre la porte de l'appartement parisien de Joyce. Celle-ci s'ouvre sur le visage d'une jeune femme au long cheveux bruns, portant un crop-top et des lèvres réhaussées de rose. Je n'ai aimé qu'une seule femme dans ma vie : elle. Elle me claque deux bises sur la joue et m'entraîne dans son appartement, en comprenant le caractère urgent de la situation. En sueur, les mains moites, je me laisse tomber sur le canapé en défaisant ma cravate. Maudit soit celui qui a un jour parler d'élégance, en présentant cet accessoire de torture qui enserre mon cou.

Joyce nous apporte deux verres de vin de blanc et exige :

– Montre moi la vidéo.

Je m'exécute. Mon amie retient un petit sourire, sans pouvoir me faire remarquer que que nous avons l'air très entreprenant et impatient l'un envers l'autre. Ça, je le sais déjà, cette vidéo me fait bander, moi aussi, autant qu'elle accentue les tressautements de mon cœur, mais là n'est pas le souci. C'est une preuve de notre idylle secrète et si Jordan Bardella s'en sert pour l'envoyer à la presse, la poster sur X ou pour tout autre chose (je ne veux même pas y penser), ma carrière et celle du président sont fichues.

– Eh ! Calme-toi, d'accord, me rassure Joyce en posant sa main sur mon épaule. Déjà, je t'ai dit au moins dix fois que vous devriez arrêter ça, avec Macron. Il est marié, sa femme est une sangsue possessive, et tu risques ta carrière chaque fois que tes yeux se posent sur lui.

– Je l'aime, Joyce.

Elle lève les yeux au ciel. Je sais ce qu'elle pense de mon sacrifice étatique, mais Emmanuel en vaut la peine. Ses sentiments ne sont peut-être pas à la hauteur des miens, mais je peux le faire changer d'avis.

– Je te connais, Gaby, tu t'emballes toujours trop. En attendant, cette vidéo est une bombe à retardement. Tu dois absolument empêcher Bardella de l'utiliser.

– Comment?

Elle hausse les épaules en sirotant son verre.

– Pour l'heure, attends déjà de voir ce qu'il souhaite. Il a dit quoi avec la vidéo?

– Rien du tout. Il n'y avait qu'une pièce jointe avec écrit "On en reparle bientôt".

Cette phrase me glace le sang.

– Si ça se trouve, il voulait te faire peur et il est déjà passé à autre chose.

J'apprécie son optimiste, mais affiche tout de même une moue sceptique. Même si nous ne sommes pas aux Etats-Unis, on sait tous très bien qu'en politique : tous les coups sont permis.

– Attends de voir s'il revient à la charge pour paniquer. Et quoi qu'il arrive, je te soutiendrai, OK?

Je hoche la tête, puis avale mon verre d'un trait. Le soutien de Joyce me va droit au cœur, mais si Jordan Bardella balance cette photo sur les réseaux, c'en est fini de moi. Je dois à tout prix savoir ce qu'il compte en faire.

Gabriel & Jordan - Une romance politique et interdite [Fanfiction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant