Chapitre 9

14 7 2
                                    

L'école, si on peut appeler ça comme ça, car vu la taille, c'est plus un centre commercial qu'une école, ne ressemble pas le moins du monde à une école. Aucun portail, pas de barrière pour nous empêcher de sortir, des élèves qui fument, les bus jaunes qu'on voit dans les films américains, des affiches de sportif de l'école accrochés aux poteaux, et surtout, elle est immensément grande ! Deux bâtiments pour les élèves, un autre pour les adultes et un centre sportif. Elle regroupe l'équivalent du collège et du lycée en France.

Immédiatement en entrant dans l'établissement, je sais que je vais me perdre : des centaines d'élèves sont regroupés près d'affiches dans l'agora. Cette dernière est tellement immense que la cour de mon ancienne école pourrait rentrer dedans ! Des tables y sont installées sur les côtés, des élèves empruntent les escaliers pour monter à l'étage, il y a même un ascenseur !

- Maintenant, il faut trouver dans quelle classe tu es. Regarde les affiches sur les poteaux de la salle publique et essaye de trouver ton nom.

Je lui obéis et traverse la salle, fixant les affiches. Alors qu'il ne me restait que deux poteaux à faire, je suis prise d'un soudain mal de tête. Et s'ils m'avaient oublié ? Et si je n'avais pas été admise mais maman et papa avaient oubliés de me le dire ?

- Lessy ! T'es ici, me dit Nathan en s'approchant de moi avec un grand sourire, et avec moi !

Je sens mon cœur faire un bond dans ma poitrine. Je suis dans la classe de Nathan. Je me sens d'un coup mieux et un léger sourire s'affiche sur mon visage.

J'ai beau ne pas le connaitre, Nathan est mon seul ami et il m'aide. Je ne sais pas si j'arriverai à m'attacher à lui et un jour le considérais comme un véritable ami, sans avoir peur qu'il me fasse du mal, mais pour l'instant je l'apprécie et c'est un bon début.

Nathan me conduit dans différents couloirs, montant des escaliers, mettant mon sens de l'orientation quasiment inexistant en difficulté.

Tout en marchant vers la salle dans laquelle on doit se rendre, j'observe les jeunes de mon âge. Les filles sont principalement habillées en short, certaines en legging et d'autres en jogging. Pour la plupart d'entre elles, un maquillage plutôt discret est appliqué sur leur visage, pour d'autres, c'est carrément la boite entière qui leur est tombée dessus ! tandis que certaines filles prennent leur temps, se recoiffent devant des miroirs et rajoutent une touche de mascara, les garçons sont plus en mode tranquille. Habillé avec un short pour la majorité, les cheveux en pagaille, ils ne passent pas inaperçu et je pense que c'est leur but. Certains ont l'air vraiment studieux, comme ceux qui sortent de ce qui doit être la bibliothèque à cause de tous les livres dans leurs bras, tandis que pour d'autres, c'est le contraire ! De ce que j'ai pu comprendre de leurs discussions, l'un d'eux essayera de faire mieux qu'une moyenne de soixante-six en maths.

- Lessy, ça te déranges-tu si on va s'assir avec des amis à moi ? me demande-t-il avant d'entrer

Je manque de faire une crise cardiaque en entendant « assir ». Je suis soulagée qu'il m'invite avec lui, et je lui fais signe que je suis d'accord.

Il se dirige alors vers une rangée dans le fond de la salle et rejoint deux garçons en train de rigoler bruyamment, s'attirant pas mal de regards, mais aucun n'a l'air désapprobateur. J'imagine qu'ils sont connus des autres et que ça en devient naturel.

- salut les potos !

- Salut Nat ! dit l'un des deux en faisant un check à Nathan.

- Je vous présente Lessy, je vous avais parlé d'elle par clavardage. Lessy, voici Noah et Jules.

Je leur adresse un petit signe de main timide. J'ai peur de leur réaction.

- ah oui, celle qui parle pas ?

Je me fige et regarde celui qui a prononcé cette phrase, Noah, si je ne me trompe pas.

Il l'a posé.

Il a formulé cette question.

Cette question que je redoute tant.

Celle que je ne veux pas se voir former sur les lèvres, mais qui pourtant le fera assurément.

Oui, c'est Lessy. Mais on arrive quand même à se comprendre, à bien discuter ensemble et ce n'est pas un problème.

Noah hoche la tête et son ami, Jules, se tourne vers moi.

— Ne le prends pas mal, s'il te plaît. Noah est un peu curieux et fouineur.

Je souris, lui faisant comprendre que c'est excusé.

Nathan et moi nous nous installons à côtés des garçons et les trois amis discutent tandis que j'observe les élèves entrer dans la classe.

Ça me fait bizarre d'être entourée.

Je n'en ai pas l'habitude.

Normalement, je ne suis qu'en compagnie de mes parents et je tiens le reste du monde à l'écart, de peur de tout reperdre, de tout gâcher, de me faire une nouvelle fois blesser. Détruire.

Je ne pensais pas que dès le premier jour, je serais autant entourée, par des gens qui semblent me respecter et m'apprécier pour de vrai. Je ne pensais pas que je pourrais aimer aller à l'école, pourtant, ce sera probablement le cas bientôt, si tout continue comme ça.

J'aime cette matinée. J'aime voir les visages enjoués de ceux qui pourraient être des amis.

Il y a beaucoup de choses qu'il faut que je m'avoue. Beaucoup de choses qu'il faut que je mette au clair, notamment mes sentiments et émotions que je ressens.

En rentrant chez moi, c'est ce que je ferais, chose sûre. Je consignerai toute ma journée pour ne pas en perdre une miette, une trace. Pour me souvenir de cette journée. De cette rentrée qui commence bien. Ecrire tout ce qu'il s'est passé, juste au cas où que plus rien n'aille, pour me rappeler que j'ai réellement vécu cette journée et que ce n'est pas une invention de mon cerveau. Et ce n'est que le début !

La faute au silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant