Les Élus de Florusine [T1 - Séparations]

Chapitre 16 - Ennemi

Itomaé dormit très mal cette nuit-là. Même si l'été s'était achevé et qu'octobre ne tarderait pas à pointer le bout de son nez, les jours se passaient toujours sous un soleil de plomb, et les nuits ne s'étaient pas encore assez rafraîchies. Elle avait donc passé la majeure partie de sa nuit en haut d'un résineux, à observer le ciel étoilé et à réfléchir sous la lueur rassurante de la demi-lune. Elle ignorait toujours comment maîtriser complètement les échanges avec Ernim. Même si actuellement, ceux-ci étaient assez embêtants, ils pourraient se révéler être une compétence intéressante lors d'un combat. Lorsqu'enfin le jour s'éveilla et que le soleil débuta sa course, la demi-dryade s'empressa de descendre de son arbre et de monter dans sa cabane pour aller voir si sa renarde s'était levée. Voyant que celle-ci s'étirait sur son lit, elle la prit doucement dans ses bras. Elles descendirent donc et s'assirent dans la clairière. Elle se concentra un instant pour régénérer ses fougères, qui avaient perdu un peu leur joli vert. Sa renarde était assise et scrutait le ciel. Ernim regarde le soleil comme un tournesol, rit-elle en son for intérieur. Au moment où elle eut cette pensée, un tout petit tournesol de moins de cinq centimètres sortit de terre, entre sa main et sa femelle. Tout d'abord apeurée, l'Élue se calma et chercha une explication raisonnable. Il n'y était pas avant, j'en suis certaine. Et puis, un si petit, c'est naturellement impossible. Ça veut dire que c'est probablement moi qui l'ai créé ! En songeant à cela, elle s'écroula. Mes forces me quittent, se désola-t-elle. Alors... Je peux vraiment me lier avec les autres plantes ! s'émerveilla-t-elle. Le sommeil eut finalement raison d'elle. Pour parler du rapport avec son élément, elle avait abandonné le terme "contrôle". Les plantes étaient des êtres vivants, et le fait de maîtriser un être vivant ne lui plaisait pas. Bien sûr, c'était ce qu'elle faisait en quelque sorte avec ses fougères, mais l'harmonie qui régnait entre elles lui permettait de communiquer d'une certaine façon avec ses plantes. La jeune fille ne les obligeait en rien, mais puisqu'elles lui étaient entièrement dévouées, elles se pliaient à sa volonté.

Lynia s'éveilla et bailla. Elle cligna lentement des yeux et remarqua aussitôt qu'Itomaé n'était pas là, et que le soleil était déjà levé. Elle se rua dehors, espérant que Deltace ne soit pas plongée dans le sommeil, mais elle ne trouva que son amie, allongée sur le sol frais de la clairière, en pleine sieste. Au bout de ses doigts se trouvait un tout petit tournesol, que l'adolescente cueillit et observa sous toutes les coutures. Après un petit moment, elle décida de demander à l'Élue de la terre la raison de sa présence, lorsque celle-ci se réveillerait.

« Tu regardes quoi ? s'enquit une voix.

La jeune fille répondit, sans se retourner :

— Un tournesol.

Elle sentit l'Élu de l'eau s'approcher. Il l'examina, curieux, puis orienta ses yeux vers ceux de son amie.

— Il était à côté d'Itomaé, explique-t-elle face à sa question silencieuse.

Il hocha la tête, et son amie ajouta, pensive :

— Je me demande pourquoi elle dort là et pas dans son lit.

— Hmm. Est-ce que Deltace est réveillée ?

L'Élue haussa les épaules et se retourna. Nolem s'était lui aussi éveillé et descendait de l'arbre. Il bailla et se dirigea vers la cascade.

— Je vais m'entraîner en attendant qu'Itomaé et Deltace se réveillent », les prévint-il.

Ses deux amis hochèrent la tête. L'adolescent aux yeux gris se concentra. Il ressentit l'air et fit abstraction du reste. Il se sentait tellement libre ! Le lien était si fort que l'Élu paraissait fusionner avec son élément. Il créa tout d'abord une légère brise, pour faire mouvoir les feuilles. Certaines s'envolèrent et se déposèrent quelques mètres plus loin. Il enchaîna avec un peu de vent, plus ciblé cette fois-ci, en l'envoyant sur une plume de geai, dans le but de la faire voler comme il l'entendait. Tout d'abord, elle décolla d'environ trois mètres avant de redescendre tout doucement pour être à la hauteur du jeune homme. Il la fit tourner autour de lui avant de la guider jusqu'au milieu du bassin. Toute son attention était portée sur la plume. Son objectif était de la faire léviter et la baisser de plus en plus, sans qu'elle n'ait de contact avec l'eau, car une fois mouillée, il ne pensait pas avoir les capacités pour la faire remonter. Il s'attela donc à la tâche, et dans un effort, parvint à la faire tomber jusqu'à moins d'un centimètre au-dessus de l'eau. Cet exercice demandait beaucoup de patience et de précision, et il était fier de l'avoir réussi. Mais tout n'était pas fini. Il la fit revenir à lui, jusque dans sa main. Le blondinet décida de recommencer ce travail autant qu'il le pouvait.