Chapitre 10

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Illiam

Ça y est. Samuel Millet aura fini par coopérer. La veille, il est venu en trombe dans mon bureau pour me signaler qu'il n'avait pas eu de nouvelle de sa sœur depuis plusieurs heures. Son portable était coupé et elle n'est pas rentrée du soir, ce qui ne lui ressemble pas. Il m'a alors tout balancé : le racket et les menaces qu'il a subies et la rencontre que sa sœur a provoqué avec son boss : Djibril Hamel. Déjà condamné pour trafic, cela ne l'a pas empêché de monter son empire entre la France, l'Espagne, la Suisse et la Belgique.

Mes collègues belges m'ont signalé l'avoir arrêté après une course poursuite dans les rues de Bruxelles. Après qu'il soit parvenu à leur fausser compagnie, des caméras de surveillance ont finalement pu repérer le véhicule sortir d'un immeuble de plaisance où il louait un appartement à son nom. Lorsque mes collègues l'ont arrêté, il était seul. Pourtant, un complice était bien présent et conduisait même le véhicule lors du refus d'obtempérer. Mes collègues se chargeront de lui. Pour ma part, je dois retrouver Mathilde Millet. Un droit d'interrogatoire m'a été octroyé à cet effet et je me retrouve donc à Bruxelles pour faire cracher le morceau à celui probablement responsable du silence de Millet. Si ce fils de chien a osé la toucher, je ne donnerai pas cher de sa peau.

Lorsque j'arrive sur place, Hamel a été placé dans une salle au sous-sol de l'hôtel de police de la capitale. Il semble détendu, comme s'il savait qu'il sortirait d'ici sans encombre. Il pense être là pour un simple délit de fuite mais ce qu'il ne sait pas, c'est que j'ai beaucoup plus d'éléments qui l'accablent. J'entre dans la pièce et viens m'asseoir devant lui avant de poser une bouteille d'eau et un sandwich sous ses yeux.

-Vous auriez pas une clope, plutôt ? m'assène-t-il.

-Tu pourras fumer plus tard. Avant, il faut qu'on discute tous les deux. Inspecteur Emery de la brigade des stups de Rennes. Le nom de Mathilde Millet te parle ?

-Non, me répond-il après une seconde d'hésitation.

Au cours de ma carrière et ma formation, j'ai appris à détecter les mensonges et ce dont je suis certain, c'est que ce bougre ment.

-Son frère nous affirme le contraire, lui remarqué-je.

-Je connais personne du nom de Millet.

-Vraiment ?

-Ouaip.

Je dégaine son téléphone portable qui lui avait été confisqué et scrolle son répertoire sous ses yeux avant de stopper sur les deux noms qui se suivent.

-Leur nom figure pourtant dans tes contacts. Et plusieurs appels ont été effectués depuis ton portable vers leur numéro, il y a une semaine puis deux jours plus tôt.

Hamel hausse les épaules et marmonne un « ouai p'têtre ».

-Pourquoi les avoir appelés ?

-J'sais plus.

-Son frère nous a rapporté que tu lui avais proposé de revendre de tes produits. Ce qu'il a accepté mais pas de chance, il a été pris en flagrant délit. Comme il te devait de l'argent, sa sœur a pris le relais et t'a versé la somme en cash. Sauf que ça n'a pas suffi, n'est-ce pas ?

-Vous délirez...

-Alors d'après toi, qu'est-ce qui s'est passé ?

Hamel se tait et se contente de me défier du regard. Je passe alors à la suite :

-On a retrouvé ça chez toi.

Je retire de ma poche un mini-sachet transparent contenant quelques pilules de fentanyl retrouvées dissimulées dans les bouches d'aération de l'appartement de Hamel.

-C'est pas à moi.

Énième mensonge... Je décide alors d'en venir au fait.

-Tu le savais ? Ces pilules ont été responsables de la mort de pas moins de 50'000 personnes en France.

Hamel détourne le visage. Son genou commence à tressauter, signe qu'il n'est pas à l'aise.

-Leur effet est immédiat : à peine avalé, on éprouve un sentiment immense d'euphorie et de détente. On est comme sédaté. Puis les effets secondaires apparaissent. Nausées, vomissement, détresse respiratoire.

Je dépose un cliché d'une adolescente qui a succombé aux effets de cette drogue et Hamel détourne complètement les yeux.

-Sa mère n'a pas supporté la nouvelle. Elle s'est donnée la mort une semaine plus tard... La moindre des choses et de reconnaitre que tu as ta part de responsabilité dans la propagation de ce poison, pour les proches des victimes, tu ne penses pas ?

Hamel serre la mâchoire et réplique :

-J'ai forcé personne à en prendre.

Premier aveu ?

-Tout le monde est prévenu, il faut pas en abuser.

Deuxième aveu ?

Comme il réalise qu'il est en train de se vendre, Hamel change de discours :

-Ce sachet, c'était juste pour ma consommation personnelle.

-Mathilde Millet en a pris ?

-Non.

-Où est-elle ?

-J'en sais rien.

-Une caméra de surveillance l'a filmée à proximité de ton club la semaine dernière puis hier. Tu es la dernière personne à l'avoir vue... Pourquoi avoir fait appel à elle ?

Hamel plisse les yeux puis un sourire en coin s'affiche sur son visage dédaigneux.

-Parce qu'elle est bonne.

-Bonne à quoi ?

Le gangster marque un temps, sans se départir de son sourire narquois, puis lâche un :

-A baiser !

Un rire gras lui échappe et mon sang ne fait qu'un tour. Je dois me faire violence pour ne pas me ruer sur lui et lui exploser la tronche. Cette nouvelle me met en rage. Je ne peux pas croire que tous les deux aient eu une relation. Je la sais borderline mais elle est trop droite pour travailler ou coucher avec un type pareil. A ce moment-là, un autre sentiment me prend aux tripes mais je le chasse pour me reconcentrer sur mon interrogatoire. Puis je me sens immergée par la crainte. L'a-t-il forcée ? Se serait-il débarrassé d'elle par la suite ? La colère me monte. Non, Illiam, reprends-toi, il se fout de toi. Il te provoque, il faut que tu reprennes le dessus.

-C'est elle qui conduisait la voiture, n'est-ce pas ? Son frère hors-jeux, il te fallait une nouvelle mule et tu l'as donc embarquée dans ton business. Après tout, elle était parfaite pour ce rôle.

Nouveau haussement d'épaules.

-Ou tu ne lui as pas laissé le choix ?

Hamel laisse échapper un sourire machiavélique.

-Il me devait un service. C'est elle qui a voulu prendre sa place, lâche-t-il en levant ses mains en signe de reddition.

Tout s'explique... mais pas pourquoi elle a fini dans son lit, ce qui m'enrage bien plus qu'il ne le devrait. L'imaginer poser ses mains sur elle me plonge dans une haine incommensurable.

Mon portable vibre et je lis le message de Dumier qui m'invite à le rappeler tout de suite. Je referme la porte sur Hamel et je m'exécute. Il m'annonce avoir une bonne et une mauvaise nouvelle. Puis il me briefe sur ma prochaine opération et même si cela ne m'enchante pas, je n'ai pas le choix et sans plus tarder, je laisse Hamel en plan et rejoins mon véhicule pour rouler jusqu'à Rennes. 

Les Délurées - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant