Les Délurées - Tome 2

Chapitre 18

Illiam

-Non mais vous les sortez d'où tous ces plus quatre ?!

Je me retiens de rire devant le visage outré de Millet. Décidément, elle n'a pas de chance au jeu. Elle grommelle tout en tirant quatre cartes en plus du jeu à rallonge qu'elle tient entre ses deux mains.

-J'peux pas jouer, grogne-t-elle.

-Comment ça, avec toutes les cartes que vous avez ??

-Oui, bah j'ai pas de vert !

-Bon, bah bleu alors !

Millet dépose un deux et je termine mon Uno avec un plus deux.

-Ah non, hein, hors de question que je tire deux nouvelles cartes !

-J'ai fini dans tous les cas, dis-je en lui montrant mes mains vides.

La jeune brune me fusille du regard puis balance ses cartes sur la pioche.

-Quel jeu de m...

-Rooohh Millet, vous êtes vraiment une mauvaise perdante.

-Allez vous faire f... !

Je glousse devant son air revanchard. J'avoue beaucoup m'amuser, contrairement à elle. Je ne fais que gagner et je la fais sortir de ses gonds. Ce qui est tout bénèf pour le provocateur que je suis. Dans tous les cas, mon objectif est réussi : lui changer les idées et l'empêcher qu'elle se morfonde pendant sa garde à vue.

Après sa déposition, elle m'a tout avoué. Sa confrontation avec Hamel, leur « deal », sa fuite de son appartement à Bruxelles, même si elle n'en a pas vraiment explicité les raisons. Au fond de moi, je me réjouis qu'elle lui voue une haine sans égal. Il s'est peut-être passé quelque chose entre eux mais pour elle, cela ne signifie absolument rien. Connaissant le phénomène, il a dû la traiter comme une malpropre et imaginer qu'il ait pu lui faire du mal me plonge dans une colère sans nom.

Dans tous les cas, la voir ici se comporter comme elle le fait toujours avec moi me laisse penser qu'elle va à peu près bien. Ce petit tête-à-tête nous aura également permis de crever l'abcès et pour moi de lui expliquer les raisons derrières mon « acharnement » envers son frère. Lui et elle ont été victimes de leur passé et de ce foutu gangster.

J'ai hâte que le procureur me donne une réponse sur ma suggestion : les laver de toute accusation en échange de leur témoignage contre Hamel. Mon rapport lui est parvenu il y a trois heures maintenant et j'appréhende sa réponse. Millet ne mérite pas sa place en prison, avec sursis ou non. Elle a été embrigadée par ce manipulateur et même si je la sais borderline, elle n'aurait rien fait de tout ça si elle avait eu le choix.

Je la regarde faire la gueule, un sourire en coin. Je crois qu'on va s'arrêter là pour les jeux de société. Je voulais lui proposer un Poker mais je tiens un minimum à ma peau. Je cogite à une nouvelle activité lorsque je suis interrompu par un message de Dumier qui me convoque dans son bureau. Il doit avoir reçu une réponse du procureur. Je préviens Millet que je dois m'absenter, ce à quoi elle réagit avec une mine presque déçue, et fonce à mon bureau situé cinq étages plus haut.

Math

Je regarde Emery s'éloigner, le cœur presque en miettes. Même s'il m'insupporte au plus haut point, sa présence me fait un bien fou. Durant ses trois dernières heures, je n'ai pas pensé une seule fois à ce qui pourrait m'arriver et au fait que ma liberté était en jeu. J'ai découvert un aspect de lui que je ne soupçonnais absolument pas : au-delà d'une assurance exacerbée, Emery est un homme bienveillant, drôle et dévoué. Les minutes s'égrènent et je me pose mille questions. A-t-il reçu une réponse du procureur ? Et si oui, a-t-il accepté l'accord qu'Emery lui a proposé ? Mon genou tressaute. Je suis dans une attente insupportable. Si on m'envoie devant le juge, que vais-je devenir ?

Après un long moment d'attente, Emery réapparaît et m'annonce que l'accord est bouclé. Mon ventre se desserre instantanément. Je suis libre de rentrer. Georges s'empresse alors d'ouvrir ma cellule et lorsque je passe devant lui, j'ai envie de le serrer dans mes bras mais la présence du gardien me retient. Emery doit le sentir et m'affiche un sourire complice. Je lui souffle un « merci » puis laisse Georges me guider dehors.

Illiam

Millet libérée, je retourne à mon bureau, soulagée et l'impression d'avoir accompli quelque chose de juste. Même si Dumier m'a confirmé l'approbation du procureur pour utiliser le témoignage de Millet dans le jugement contre Hamel, l'enquête n'est pas terminée pour autant. Millet m'a rapporté la présence de deux autres véhicules lors du transfert vers la Belgique. Elle a pu me donner les modèles des véhicules et les plaques qu'elle avait retenues « au cas où », en plus des descriptions physiques qu'elle m'a donné des conducteurs. De son témoignage en est ressorti deux suspects déjà fichés dans notre base de données : Thomas Guignier et Nadège Costard, marié, sans enfant, vivant dans le centre de Rennes.

Je me décide à procéder à leur arrestation, seulement quand mon équipe et moi arrivons à leur appartement, seule Nadège est présente. La quarantenaire nous affirme ne pas savoir où est son mari. S'ensuit alors une nouvelle traque pour laquelle je ne m'étais absolument pas préparé.