Rendez-vous avec le destin

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Encore une fois, cette voix, Attal détestait sa capacité à reconnaître le propriétaire de celle-ci sans même avoir à distinguer son visage. C'est peut-être dû au choc ou au dégoût qu'il ressentait, mais il restait abasourdi, ne sachant pas pendant quelques secondes comment faire face à cette situation.

« Vous avez de la chance qu'avec l'humanité qui m'habite malgré nos différents, je sois celui en possession de votre téléphone, ajouta Bardella d'un ton qui ne cachait absolument pas le sourire qu'il était en train de porter.

« Mettons-nous d'accord sur un lieu de rendez-vous. »

C'était assez surprenant de voir que, face à Jordan, Gabriel n'essayait pas de faire un faux-semblant de sympathie, préférant laisser son aversion dénudée à la vue de son adversaire.

« Chez vous me paraît parfait. »

Le Premier ministre ne put s'empêcher de rire à l'écoute de cette phrase. Il avait peut-être été l'idiot qui avait oublié son téléphone, mais il ne serait pas celui qui inviterait son adversaire dans son propre appartement.

« Il est hors de question que vous ne posiez ne serait-ce qu'un pas chez moi. »

« Je suppose qu'il serait donc préférable que le public et les médias nous voient dans la rue. Le représentant du Rassemblement national et le représentant du parti du Président échangeant leurs téléphones. Vous avez raison, cela ferait peut-être une bonne première de couverture. »

Gabriel détestait le fait qu'il se sentait encore plus stupide de ne pas avoir pensé à ce risque, et ce sentiment était aggravé par le fait que Bardella en soit la source.

« Je vous envoie l'adresse. »

Le Premier ministre sortait une nouvelle fois perdant de son échange avec Bardella, ayant comme prix de consolation un rendez-vous avec le destin.

Cela faisait maintenant quelques minutes depuis leur échange, et Gabriel n'avait pas bougé de là où il se trouvait, ressassant les nombreuses mauvaises décisions qu'il avait prises dans l'espace d'une seule et même journée. Et pendant qu'il ne se remettait en question, le silence dans lequel il reposait fut brisé par le retentissement du bruit de son interphone.

Attal avait déjà excédé le nombre de mots qu'il devait normalement prononcer à l'égard de Bardella depuis qu'il lui avait demandé de se taire. Il se contenta alors de simplement appuyer sur le bouton pour ouvrir la porte, s'épargnant un nouveau débat improvisé à distance.

Il ne put s'empêcher de rester devant la porte, révisant une nouvelle fois son plan : saisir son téléphone et refermer la porte devant le visage de son adversaire. Un plan efficace et satisfaisant.

Ainsi, lorsqu'il entendit la sonnette de sa porte, il l'ouvrit sans plus attendre d'un geste vif, prêt à mettre en exécution son plan. Pourtant, il fut déstabilisé lorsqu'en cherchant du regard il ne trouva aucune trace de son téléphone.

« Vous ne m'invitez pas à entrer ? » demanda Jordan.

« Donnez-moi mon téléphone. » ordonna Gabriel tout en continuant de scruter du regard chaque centimètre du jeune homme en face de lui.

« Il n'y a pas de récompense pour celui qui trouve votre portable ? » 

répondit Bardella en souriant, essayant de s'inviter de lui-même à l'intérieur.

Gabriel avait-il vraiment la force d'entretenir encore une confrontation avec son opposant ? Non, et c'est peut-être à cause de cela que, contre toute attente, les deux hommes se trouvèrent maintenant au milieu de son salon.

Coup de politique (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant