Détestons nous

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Peut-être que c'était cela que Jordan ressentait, une simple attirance physique, une simple pulsion. Et pendant un instant, il pensa sincèrement que céder à celle-ci rassasierait sa curiosité malsaine entourant Gabriel. Il ne serait donc pas question de sentiments, mais de quelque chose de bien plus trivial. Peut-être qu'il ne mentait pas aux autres, mais à lui-même, cela semblait être devenu une habitude.

Il finit sa boisson avant de reposer son verre, laissant le tintement du verre sur le buffet lui rappeler subtilement le flou dans lequel l'alcool immergeait ses pensées. Il ne freinait ni sa réflexion ni ses gestes, comme si, dans cette pièce, loin des regards oppressants, plus rien n'avait de conséquence, laissant sûrement ce qu'il désirait au plus profond de lui s'exprimer. Ce qui déviait son regard de sa mission.

Jordan se pencha davantage au-dessus du bar, contemplant d'un peu plus près le visage du Premier ministre. Il ne savait pas ce qu'il cherchait dans ce regard et pourtant, il continuait à s'aventurer dedans, suivant les directions que lui soufflait faiblement son cœur.

« Je vous l'ai déjà dit, je déteste les gens qui boivent », répondit Gabriel, qui garda sa posture droite et assurée.

Ce qu'il reflétait n'était en aucun point proche des pensées qui traversaient son esprit. Alors que la conversation continuait, son impression d'être tombé dans un piège ne fit que se confirmer davantage.

« Et je déteste les gens qui montrent en réalité un faux-semblant. »

Deux personnes qui se détestaient se trouvaient face l'une de l'autre et pourtant, ils se trouvaient tous deux liés par un fil qui, au fur et à mesure, semblait se rétrécir, les obligeant à se rapprocher un peu plus l'un de l'autre, forcés de faire face à quelque chose de bien plus complexe qu'un simple pacte.

« Alors continuons de nous détester », répliqua Gabriel, qui à son tour se pencha vers le jeune homme, lui lançant presque un défi inavouable de transformer les quelques mots qu'il avait prononcés en mensonge.

Après tout, cela ne faisait-il pas partie de leur accord ? Nourrir la haine qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre tout en s'aidant mutuellement. Bien que peut-être, la partie « bénéfices » de « ennemis » n'avait pas été assez définie.

« C'est ce que j'essaie de faire », répondit Jordan tout en pinçant ses lèvres.

Il cherchait désespérément une réponse à la question qui hantait son esprit, s'autorisant inconsciemment à transgresser ce que son mentor lui avait appris, mélangeant ainsi politique et émotions. Le brassage de ces deux éléments était aussi corsé que le whisky que Bardella venait de boire à maintes reprises.

Peut-être que ce goût ne pourrait être adouci que par les lèvres de l'homme en face de lui. Jordan leva sa main avant de la rapprocher du visage de Gabriel, voulant toucher de ses propres doigts la lumière qu'il voyait dans ce regard. Et alors qu'il n'était qu'à quelques centimètres d'accomplir son geste, celui-ci fut coupé par Attal qui, d'un geste rapide, vint retenir sa main.

« Je n'embrasse pas les gens saouls. »

Gabriel avait voulu être plus radical dans sa réponse et prononcer le mot adversaire plutôt que d'évoquer une autre justification de son mouvement. Il venait, sans le vouloir, de proposer un nouveau deal : la sobriété de Jordan contre ses lèvres. Un accord qu'il ne voulait pas accepter et que Jordan sembla également refuser en buvant son troisième verre.

« Est-ce que vous faites plus que les embrasser ? »

Bardella aurait dû s'arrêter à sa première boisson pour éviter de laisser cette phrase s'échapper entre deux gorgées, mais la rougeur naissante sur ses joues montrait qu'il était bien trop tard pour revenir en arrière. Il ne se rendrait compte des conséquences de ses actions qu'une fois que l'alcool se sera évaporé de sa peau, enfin si cela arrive un jour.

Coup de politique (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant