Les paroles de votre corps

845 54 108
                                    

La phrase que Jordan avait doucement murmurée comme une parole posée sur la musicalité de l'instant raisonnait en harmonie avec l'alliage des battements de cœur des deux jeunes hommes.

Ces quelques mots qui se dissipaient dans l'obscurité de la nuit ne dissimulaient pas cette fois, le secret d'une confession nocturne mais la réminiscence de la proposition implicite que Gabriel avait soufflée à travers ses dires, la sobriété de Jordan contre ses lèvres.

Un accord qui avait été accepté inopinément par Bardella à l'instant où il avait troqué le goût âpre du whiskey par la saveur envoûtante du regard de Gabriel. La clarté de l'eau qui venait à présent se heurter aux parois de son verre n'était qu'un rappel du courage dont il faisait preuve, défiant toutes les croyances qui l'animaient jusque-là. Du moins le courage qu'il s'accorderait le temps qu'ils se trouveraient sous le ciel étoilé de la pénombre.

La lune était le seul témoin du mutisme de la culpabilité que ressentait Bardella envers son parti mais davantage celle qui accompagnait chacun des mouvements de cette valse, emportant peu à peu Gabriel dans une danse défendue.

« Quelle est la cause de votre sobriété soudaine ? »

Demanda Attal s'égarant davantage à travers le toucher de l'autre jeune homme.

Bien qu'il soit celui qui avait amené la main de son adversaire sur son corps, il ne put s'empêcher d'être surpris de céder complètement à l'ardeur de ses doigts, qui s'aventuraient courtoisement sur le bas de son dos.

Chaque centimètre de son être qui succombait au contact du jeune homme réchauffait la froideur des abysses dans lesquels il se trouvait, ce qui le poussait à vouloir davantage diminuer la distance qui le séparait de cette douce sensation.

Il savait pertinemment qu'il était sur le point de franchir une ligne prohibée mais à cet instant la revanche qu'il poursuivait inlassablement semblait pouvoir s'assouvir dans les bras de son adversaire. Laisser son cœur se délivrer des chaînes qui l'alourdissaient serait mettre en péril l'ascendant que Macron ne faisait qu'imposer de façon persistante sur ses épaules.

Ne souhaitait-il juste défier une autorité qui le suffoquait, cherchant désespérément de l'oxygène dans l'océan de ses sentiments ou est-ce que l'aperçu qu'il avait de son destin dans les yeux de Jordan était celui qu'il voulait choisir ?

Attal ne connaissait pas la réponse à cette question qu'il taisait de la vue captivante dont il était l'unique spectateur. Une exhibition privée de l'homme que Jordan cachait du public.

« À moins que vous ne souhaitiez une information en échange de la réponse à ma question. »

Ajouta Attal face au silence de son cavalier, s'enfonçant un peu plus dans le jeu dangereux dans lequel ils se trouvaient fatalement liés.

« Je n'ai pas besoin de mots pour vous donner ma réponse, mon regard exprime ce que mes lèvres ne prononcent pas. »

Répondit Jordan qui attendait impatiemment de savoir si Gabriel avait de son côté reconsidéré l'accord implicite qui s'était échappé de ses pensées.

Outre l'approbation tardive de Bardella, le fait que la phrase qu'Attal avait prononcée dans le brouillard doré qui avait brouillé la vision du jeune homme, soit marquée vivement dans son esprit, n'était qu'une preuve supplémentaire que sa sobriété n'était qu'un faible sacrifice en contrepartie de la luminescence de Gabriel.

« Comment comptez-vous occuper vos lèvres maintenant qu'elles ont été destituées de leur poste ? »

Le regard du ministre quitta à contre cœur les yeux marron de Jordan, caressant délicatement chaque détail du visage de celui qui obstruait toute la répulsivité du monde extérieur. Derrière l'expression impassible que Jordan portait se dissimulait l'aménité des traits de son visage.

Coup de politique (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant