Chapitre 14 - Amour et confidence (Apolline)

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L'horloge du salon sonne 12h30 lorsque Léon commence à émerger. Il s'est mis à bouger quand mon père a entrebâillé la porte de ma chambre pour annoncer qu'il sortait avec mes frères pour se rendre à un match de basket. Léon dormait toujours, allongé sur moi, pendant que je terminais de lire Il était une fois un cœur brisé de Stéphanie Gardner. J'aime tellement cette saga.

— On ramènera à emporter ce soir, chuchote mon père. Vous préférez quoi ?

Je jette un regard à Léon qui s'agite doucement dans son sommeil, c'est trop mignon. À force de discuter avec lui par messages et en visio, je sais quasiment tout de ses goûts. Un jour, pour s'amuser, on a fait un quizz question-réponse pour apprendre à se connaître davantage. Avec des questions aussi stupides que « C'est quoi ta couleur préférée ? C'est quoi ton plat favori ? Ton film ? Ta série ? ». On s'est alors rendu compte qu'on aimait tous les deux les pâtes à la carbonara, qu'on était fan de la série Shadow and Bone et qu'on adorait le bleu, tous les deux. C'était à la fois mignon et intriguant.

— Tu peux prendre chez le traiteur italien ? proposé-je. Et ramène aussi du pain. Léon sera content d'en manger.

— À ton service, ma chérie.

Je lui envoie un baiser qu'il fait semblant de rattraper. J'adore mon père. On est très proche tous les deux, surtout depuis que Maman n'est plus là. Après son départ, il s'est retrouvé seul à nous élever, et cela n'a pas été facile pour lui, surtout avec son métier qui lui prend une grande partie de son temps.

— Au fait..., chuchote-t-il. Si jamais vous en avez besoin, les préservatifs sont dans la salle de bain.

— PAPA !

Mon cri réveille Léon en sursaut. Mon père éclate de rire et disparaît en refermant la porte alors que mon petit ami cligne plusieurs fois des yeux. J'attrape un coussin et me cache derrière pour faire passer la gêne que je sens arriver, alors que Léon fronce les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Je baisse le coussin et découvre son air de petit garçon fatigué. Je fonds littéralement sous son regard bleu. Il est magnifique. Surtout avec son air tout endormi. Je passe mes bras autour de son cou et vient l'embrasser. Finalement très réveillé, Léon passe ses mains derrière mon dos et me rapproche de lui. Je colle mon corps contre le sien et le laisse glisser sa langue dans ma bouche. Ensemble, elles jouent un délicieux ballet. Léon m'allonge doucement sur le matelas et glisse au-dessus de moi. Yeux dans les yeux, nous nous observons, son souffle dans mon cou. Je lui caresse les cheveux pendant qu'il embrasse doucement mes joues, mes lèvres, mon nez, mon menton. Bientôt, ses doigts se glissent sous mon t-shirt, je me tortille en riant. J'avoue être un peu gênée, mais en même temps, c'est Léon.

Léon Marchand, le garçon dont je suis follement amoureuse depuis l'été dernier.

Léon Marchand, l'homme que j'aime et à qui je serai prête à tout donner.

J'ai déjà eu des relations sexuelles et je crois que lui aussi. Nous n'en avons jamais réellement parlé, mais maintenant qu'il se tient au-dessus de moi, tout contre moi, son corps chaud serré contre ma poitrine, je me demande si c'est le moment d'aborder le sujet. Surtout après ce qu'a dit mon père sur les préservatifs...

— Léon ?

— Mmm..., murmure-t-il dans mon cou.

— Est-ce que... enfin... tu vois...

Eh merde ! C'est plus facile de le penser et le vouloir que de l'exprimer à haute voix. Je suis toute gênée. Pourquoi ça a toujours l'air plus facile dans les films et les romans ? Pourquoi on ne pourrait pas juste faire comme si c'était limpide, sans avoir besoin de mettre des mots dessus ? Les joues rouges, Léon relève la tête vers moi. Nos yeux se rencontrent, exprimant clairement nos envies.

— Je crois que je vois, chuchote-t-il contre mon oreille.

— Et est-ce que tu... enfin...

— Est-ce que je te veux, Apolline Estanguet ?

J'éclate de rire. Dis comme ça, on dirait une demande en mariage. Pourtant, je joue le jeu et répond :

— Oui, est-ce que tu me veux, Léon Marchand ?

Il sourit, creusant des fossettes magnifiques sur ses joues.

— Je crois que oui. J'en ai envie. Et toi ?

— Moi, j'en meurs d'envie.

Et voilà que je me remets à rougir. Ça n'en finit plus. Nous sommes comme deux ados.

— Tu l'as déjà..., reprend-je.

— Oui, répond-il aussitôt, sans entrer dans les détails. Et toi ?

— Oui. Mais c'était il y a longtemps.

Avec Johann, mon ex, et ça n'avait rien d'exceptionnel. C'était plutôt mécanique. J'appréciais Johann, surtout au début, mais sa recherche de performance, et son désir de toujours le faire quand lui le voulait, me pesait. Ce n'était pas vraiment du désir entre nous, c'était plutôt une obligation. Comme si, parce que nous étions en couple, nous étions obligés de passer par-là. Or, le sexe ne devrait jamais être une obligation. C'est un désir, du plaisir, une envie de se donner à l'autre, et cela doit toujours, toujours être consenti.

La main de Léon repousse une mèche de mes cheveux. Il plaque son front contre le mien et murmure :

— Pour moi aussi, c'était il y a longtemps...

Oh !

Nous parlons peu de nos anciennes relations, lui et moi. Pour ne pas dire, pas du tout. Léon me révèle être sortie avec une fille au lycée, quand il vivait à Toulouse, et avec une autre durant ses études lorsqu'il était à l'université Paul Sabatier.

— Tu étais amoureux ? demandé-je.

— Pour la première fois, oui. Après, pas vraiment, mais on s'appréciait.

Je glisse une main sur sa joue.

— Et toi ? me demande-t-il.

— J'aimais Johann au début, puis les sentiments se sont étiolés. On n'était pas vraiment fait l'un pour l'autre, on restait ensemble par habitude.

Et parce que c'était confortable. Johann et moi nous sommes mis en couple quand j'avais seize ans, il faisait du canoë et ressemblait à mon père sur bien des aspects. C'était l'époque où ma mère était à l'hôpital, avant qu'elle...

Enfin, disons que j'avais besoin de me raccrocher à quelqu'un. Johann n'était pas parfait, mais il comblait un vide, et quand elle est partie, j'avais besoin que quelqu'un me tienne dans ses bras. Marius a fait la même chose avec Éloïse, sa petite amie. La seule différence, c'est qu'après s'être séparée d'elle durant un an, ils se sont remis ensemble. Moi, je n'ai plus envie de revoir Johann. Sur la fin, il était très colérique, et quand il n'a pas été sélectionné pour les jeux olympiques, tout s'est effondré. Il me parlait mal, on se disputait souvent. C'était mieux qu'on se sépare.

Je révèle tout cela à Léon. Il m'écoute patiemment, tout en hochant la tête et en caressant mes cheveux. Puis, il pose sa tête sur mon cœur et écoute ses battements, pendant que je glisse mes mains dans son dos.

— Je ne te ferai jamais de mal, Apolline.

J'ai envie de le croire.

Je le crois.

Parce que c'est Léon, que je suis folle amoureuse de lui, et qu'il n'a jamais cessé de me prouver qu'il tenait à moi. Parce qu'il est là aujourd'hui, et que malgré la distance, malgré cette histoire qui a failli nous séparer, nous sommes encore ensemble. Huit mois se sont écoulés depuis les jeux, et nous sommes là, dans ma chambre, allongés l'un contre l'autre. Si on m'avait dit cela, lorsque j'ai entamé mon bénévolat, je n'y aurais jamais cru...

— Moi non plus, Léon, je ne te ferai jamais de mal.

Il relève la tête. Son regard bleu croise le mien.

Je sens que c'est le bon moment.

J'ai envie de lui, comme je perçois qu'il a envie de moi.

Sa bouche revient prendre la mienne. Ses mains caressent doucement mes reins. Et cette fois, c'est moi qui murmure à son oreille :

— Les préservatifs sont dans la salle de bain. 

L'océan qui nous sépare : Léon Marchand et Apolline, la bénévoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant