Chapitre 19 - Réglement de compte (Léon)

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Je vais la tuer.

Donnez-moi une arme. Une pelle. Un saut. Je la tue, je creuse et j'enterre son corps. Là, au milieu du jardin des tuileries, en plein Paris. Peu importe que l'on me voie, là, c'est trop.

Elle n'a pas seulement dépassé les bornes. Elle a dépassé les bornes, un océan, et tout ce qui va avec.

Je vais la tuer.

— C'est vraiment sympa ici ! lance-t-elle, l'air de rien. Je suis contente que mes parents aient choisi de déménager. J'adore la Belgique, mais Paris, c'est autre chose.

Face à moi, Apolline observe Axana sans bouger. Je n'arrive pas à analyser son attitude. Est-elle en colère ? M'en veut-elle ? J'ai pourtant répété à Axana de ne pas venir. Je le lui ai dit par SMS, au téléphone et pourtant, elle est là.

Cette fille ne connaît définitivement pas le mot « non ». Et le pire, c'est qu'elle tape la discute à Apolline - qui ne répond toujours pas - comme si de rien n'était.

— Vous savez quoi, je prendrais bien une glace moi aussi ! Vous l'avez acheté où ? En tout cas ça fait trop plaisir de te voir, Léon. J'ai beaucoup réfléchi depuis notre discussion tu sais. Vraiment ; tu avais raison pour Jordan, mais j'étais amoureuse, que veux-tu.

Elle s'agrippe à mon bras en battant des cils. Puis se rapproche dangereusement. Sourire aux lèvres, elle se tourne vers Apolline et lance :

— Tu as vraiment le meilleur petit ami qui existe. J'aimerais vraiment avoir le même.

WHAT ? Quoi ?

Inconsciente du fait que ni Apolline ni moi ne lui répondons, elle continue sur sa lancée :

— En tout cas, si un jour tu n'en veux plus, n'hésite pas à m'écrire.

Elle ajoute un clin d'œil en direction de ma copine, puis caresse mon bras.

— Je viendrai le récupérer.

Cette fois, c'en est trop. Agacé, je repousse son bras. Elle recule, fronce les sourcils, comme si elle ne comprenait pas.

— Euh... OK... sympa l'accueil Léon. T'es plus cool quand t'es en Arizona. C'est la France qui te fait ça ? Tu calques ton humeur sur les parisiens ?! Moi qui ai la gentillesse de venir te voir, tu pourrais...

— Tu as fini !? s'exclame Apolline.

Surpris, j'écarquille les yeux en entendant la virulence de ma copine.

— Léon n'est pas un objet, reprend-elle. Tu te prends pour qui en fait ?

Ce ton, froid et agressif, ne lui ressemble pas. Je la sens bouillir. Ses points sont serrés et elle fixe Axa avec l'air de vouloir l'étrangler (comme moi tout à l'heure avec ma pelle).

— Oh là ! Y a un problème ? demande Axana.

Mais enfin ! Elle ne se rend vraiment pas compte ou quoi ?! C'est pas vrai.

Ou alors elle le fait exprès ?

À ce stade, je ne sais vraiment plus quoi penser.

— Un problème ? répète Apolline. Est-ce que j'ai un problème !

Elle s'avance vers Axana en la fixant d'un regard noir. Mon amie d'Amérique recule face à ma copine qui n'a jamais paru aussi impressionnante qu'aujourd'hui.

— Oui, il y a un gros problème, même. Mon problème, c'est toi. Toi, qui embrasse MON mec, alors qu'il te dit non. Toi, qui trouve le moyen de lui dire que JE suis jalouse, alors que c'est toi qui as commencé à me provoquer. Toi, qui débarque en France, dans MON pays, dans MA ville, et te jette sur mon mec alors qu'il t'avait dit qu'on voulait être tous les deux. Alors oui, effectivement, j'ai un putain de problème. Il s'appelle Axana. C'est toi, et si tu ne t'écartes pas très vite de Léon, je t'assure que je vais me transformer en championne olympique de boxe ! Et t'as vraiment pas envie de voir ça.

Stupéfait, je ne sais pas quoi ajouter devant la tirade d'Apolline. Je pourrai dire à Axa ce que je pense de son comportement, je pourrai ajouter vider mon sac moi aussi; mais Apolline le fait si bien. C'est son moment ! Et je sens qu'elle avait besoin de vider son sac.
Je la regarde, le cœur gonflé d'amour pour cette fille incroyable avec l'envie de dire : « Ça, c'est ma meuf ! La grande classe ».

Axana a l'air profondément choqué. Elle se tourne vers moi, les yeux écarquillés.

— Tu la laisses me parler comme ça ?

— Oh oui ! ris-je.

C'est plus fort que moi, je ne devrais pas me moquer, mais franchement, elle l'a méritée. Et je suis fière d'Apolline. Ma copine donne un coup d'épaule à Axana, puis glisse son bras sous le mien avant de lancer :

—- Si tu as besoin de quelqu'un, va retrouver ton Jordan, et LAISSE MON MEC TRANQUILLE.

— Mais, Léon..., balbutie-t-elle.

— Maintenant, si tu veux bien nous excuser, la coupe Apolline. On doit finir notre glace. Seuls.

Et sur ses mots, elle me traine à sa suite, laissant derrière nous Axana, plantée comme un piquet. Je m'en veux un peu, parce que cette fille était mon amie, mais elle l'a cherché. Et au fond, ça me fait plaisir d'en être débarrassé.

— Enfin ! s'exclame Apolline en arrivant au bout du parc. Depuis le temps que je rêve de lui dire ses quatre vérités.

— Tu m'as impressionné, tu sais.

Elle me lâche le bras et se retourne en souriant.

— C'est vrai ?

— Grave ! Ma princesse protectrice.

Elle éclate de rire, puis passe ses bras autour de mon cou avant de m'embrasser. Je lui rends son baiser et j'entends qu'on nous applaudit. Quand nous nous séparons, je me rends compte que je ne porte plus mes lunettes, censées me rendre invisible.

Les gens savent qui nous sommes. Mais pour une fois, je m'en fiche.

Je ne suis pas juste Léon Marchand. Je suis un homme amoureux et fier de sa copine. Alors, je l'attrape dans mes bras et la fait tournoyer, sous les applaudissements et sous ses rires.

— Je t'aime, Apolline Estanguet.

— Je t'aime aussi, Léon Marchand.

Tant pis pour Axana, c'est elle, ma médaille d'or. Et il n'y a aucune autre place sur le podium.

L'océan qui nous sépare : Léon Marchand et Apolline, la bénévoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant