Chapitre 2 - Concours blanc (Apolline)

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Comment Léon a t'il fait pour remporter cinq médailles olympiques ET gérer la pression en même temps ?! Je passe mon concours de l'enseignement cette année, et à côté des jeux olympiques, cela me parait une épreuve insurmontable. Mon père, mes frères et Léon ont beau m'encourager, rien n'y fait : JE STRESSE ! Genre, beaucoup. À en avoir du mal à respirer, le cœur qui palpite, les larmes qui montent aux yeux. Heureusement que Léon me soutient à distance, sinon je crois que j'aurais déjà abandonné.

C'est un amour. Vraiment.

Après les jeux, j'avais vraiment peur qu'il m'oublie ou se lasse de moi. Surtout qu'à cause des journalistes et des critiques sur les réseaux, il aurait pu vouloir se débarrasser de moi, surtout après le scandale de cette vidéo m'accusant de l'avoir drogué à son insu.

Mais non, il est resté. Et heureusement, toute cette médiatisation s'est apaisée avec son départ. Je suis redevenue une parfaite inconnue, on n'entend plus parler de moi dans les médias, je pense même que les gens sont partis du principe que c'était déjà fini entre nous.

Au fond, c'est peut-être mieux. Cela nous permet de nous aimer en secret, sans être sous le feu des projecteurs, et de vivre notre histoire en toute intimité.

Et je l'aime de plus en plus, jour après jour.

Le problème, c'est qu'il me manque beaucoup. Un océan nous sépare et ne pas pouvoir le toucher et l'embrasser est une torture. J'ai bien tenté de le faire à travers mon écran de téléphone, mais c'est chelou ! J'ai vite abandonné l'idée et me contente de lui envoyer des smileys 😘 et des cœurs ♥️ toute la journée.

Il répond toujours. C'est vraiment un amour.

Mais là, il doit être dans les bassins, à nager comme le dauphin qu'il est et moi, je dois me concentrer sur mon concours blanc. L'université organise plusieurs sessions cette semaine, et je ne me sens pas du tout prête.

Je m'engouffre dans la rame de métro, ligne 9, direction l'arrêt Molitor-Michel Ange, et débouche face à un grand bâtiment de structure carré. Gris. Moche. L'INSPE (ou Institut Nationale du Professorat et de l'Éducation, en mode pompeux) représente à la fois ma hantise et mes espoirs d'avenir.

— Apolline !

Assis sur l'une des marches, à l'entrée, je repère rapidement Pierre et Zoé, qui passent également le concours cette année. Le premier est en reconversion professionnel, la seconde le présente pour la première fois, comme moi. Zoé est ma binôme de stage, nous avons toutes les deux étaient envoyées à Henri IV pour observer des cours, en parallèle de notre formation. Nous étions dans la même licence de lettres, alors que je n'ai rencontré Pierre qu'au début de l'année.

— Ça va ? demandé-je.

— J'ai à peine dormi, répond Pierre.

— Je crois que j'ai tout oublié, ajoute Zoe.

Je souris.

L'été que j'ai passé durant les JO me manque. Lors de mon bénévolat, je me posais moins de questions. Je distribuais de l'eau, des serviettes, je nettoyais le bord des bassins, ou j'allais voir des épreuves avec Olivia et Sophie. J'ai très peu de nouvelles d'elles depuis que les jeux sont terminés. Olivia a continué à m'écrire en début d'année, puis ses SMS se sont espacés. Sophie est un peu plus assidue, elle prend souvent des nouvelles, mais je ne réponds pas toujours, faute de temps.

J'ai déjà du mal à réviser, faire mon stage ET trouver du temps pour Léon (même si j'ai toujours du temps pour Léon), je ne peux pas tout gérer.

— On y va ? demande Pierre.

— Tu es sûr que tu vas t'en sortir ?

— T'inquiète, j'ai bu trois cafés.

Il n'empêche que de gros cernes marquent ses yeux. Ce type passe tellement de temps le nez collé à ses fiches de révision qu'il en oublierait de respirer. Au moins, à ses côtés, je relativise.

Il devrait employer la technique de mon petit copain pour se calmer, ça l'aiderait.

— On a quoi aujourd'hui ? demande Zoé.

— Ne me dis pas que tu as oublié ? m'affolé-je.

— Je vérifie juste si vous suivez.

Mouais. J'ai du mal à la croire. Aujourd'hui, c'est l'épreuve blanche de dissertation (en poésie, roman ou théâtre, suivant le sujet) et demain ce sera celle mêlant ancien français, grammaire, stylistique et analyse littéraire (j'aime moins).

Le stress remonte en flèche. J'espère que je vais tomber sur le roman. Ou la poésie. Tout sauf le théâtre. Avec Léon, j'ai appris à vivre ma vie comme un roman, telle une héroïne vivant une aventure irréelle avec un sportif de haut niveau, et cela me donne parfois envie de lui envoyer de la poésie.

Mais le théâtre !!!!!!

— T'es stressée ? demande Zoe.

— Pas du tout, mens-je. De toute façon, il faut bien qu'on s'entraîne.

Les véritables épreuves ont lieu début avril, juste avant la venue de Léon à Paris pour une semaine. Si je les valide, il me restera l'oral et le stage comme prof stagiaire.

Dans ma poche, je sens mon portable vibrer alors que les cloches d'une vieille église à proximité sonnent 8h. J'extirpe mon portable et lis le SMS envoyé par mon petit copain :

Léon :

Keep cool ma chérie, ça va aller.

Je crois en toi

(Comme tu as cru en moi).

Sa remarque entre parenthèse fait fondre mon cœur comme la neige au soleil. Qu'est-ce que je l'aime ! Qu'est-ce qu'il me manque. Quand je relève la tête, je remarque aussitôt les regards de Pierre et Zoé posés sur moi.

Je me sens rougir et glisse mon portable dans ma poche :

— C'est qui ? demande Zoé.

— Personne.

Aucun de mes camarades de l'INSPE ne sait que je sors avec Léon Marchand (déjà qu'ils ne savent pas que mon père était le président du Comité olympique, et un ancien médaillé de canoë). Grâce à son départ aux Etats-Unis, et la plainte déposée contre la tiktokeuse, les gens ont cessé de nous harceler. Nous vivons notre histoire en toute intimité.

Et je suis bien décidée à ce que cela reste un secret.

L'océan qui nous sépare : Léon Marchand et Apolline, la bénévoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant