Chapitre 1 - Vie étudiante (Léon)

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Il est six heures trente du matin lorsque j'ouvre les yeux. Mon réveil sonne sans s'arrêter, m'obligeant à m'extraire des bras de Morphée pour aller nager. Je commence toujours mes journées par une heure de natation, avant de partir en cours. Le rythme est intense, mais bien moins qu'en période de préparation olympique. Je dois surtout faire en sorte de me maintenir à niveau. Il est encore tôt pour savoir si j'irai ou non à Los Angeles en 2028, mais en attendant, j'ai d'autres compétitions locales, en Arizona déjà. Je me prépare aussi pour les championnats du monde qui ont lieu cet année, et pour les futurs championnats d'Europe.

Je me fais couler un café, attrape un paquet de flocons d'avoine et du lait (la baguette de pain me manque). Je suis en train de m'asseoir à table après avoir ouvert les volets m'offrant une vue imprenable sur la piscine du campus quand mon portable vibre.

Apolline :

Coucou toi ♥️

Bien dormi ?

Je souris. Et m'empresse de répondre :

Léon :

Oui, et toi ?

Ça va ? ♥️

Apolline :

Bof.

Stress.

J'attends qu'elle poursuivre. Apolline est en premier année de master MEEF à l'INSPE de Paris. Elle prépare le concours du CAPES pour devenir enseignante de français (on dit « Lettres moderne », comme elle ne cesse de me le répéter), et contrairement à moi qui gère plutôt bien mes angoisses grâce à ma préparation mentale, Apolline est très stressée. Elle craint l'échec. J'ai beau lui répéter que ce n'est pas grave si elle n'obtient pas son concours cette année, qu'elle pourra toujours repasser les écrits l'an prochain, que la priorité reste son master, elle n'arrive pas à se sortir de l'esprit qu'elle décevra son père, ses frères et la terre entière si elle échoue.

Ma copine est légèrement dramatique. Toutefois, je ne peux lui en tenir rigueur. Avant, j'étais comme elle. Il m'a fallu travailler énormément pour moi pour arriver à me défaire de ma peur de l'échec et gagner en confiance. J'y étais plutôt bien arrivé avant les JO, et durant les épreuves à Paris. J'avoue que quelques-unes de mes peurs sont revenues après, notamment à cause des réseaux sociaux et des journalistes. Mais là, ça va mieux.

Je suis beaucoup moins sollicité ici qu'en France, même si des marques continuent à m'appeler. Mon nouvel agent veut à tout prix que je continue à m'afficher sur les réseaux (d'après lui, les inscriptions dans les clubs de natation ont explosé en France) et la Fédération de natation a fait de moi sa nouvelle égérie. Tout cela me met énormément de pression, mais je tente de gérer comme je peux...

À l'inverse, Apolline le gère très mal.

Léon :

Ça va aller, t'inquiète. ♥️

Apolline :

Mouais.

Je passe mon premier concours blanc ce matin.

Je sais, elle m'en a parlé durant vingt minutes hier soir, tant elle angoissait à ce sujet.

Léon :

Je suis sûr que tu vas gérer 😉

Apolline :

J'espère 😕

Hier, nous sommes restés près d'une heure au téléphone. J'espérais rentrer pour les vacances de février, mais Bob veut à tout prix que je me concentre sur les prochains mondiaux de natation, et avec les examens qui approchent, j'ai finalement choisi de rester. J'irai là-bas en avril, je le lui ai promis. Apolline a envisagé de venir en Arizona, mais son père lui a rappelé que son concours était sa priorité.

Résultat : nous nous manquons elle et moi, mais ne pouvons-nous voir et nous entendre qu'à distance.

Heureusement que le téléphone existe. Je bénis Thomas Watson et son collaborateur qui sont parvenus à inventer cette merveille au XIXe siècle.

Léon :

Inspire. Expire.

Mains sur le ventre.

Apolline :

Je ne suis pas aussi douée que toi pour ça.

Léon :

Le stress, c'est dans la tête.

Apolline :

Pas que !

J'éclate de rire, tout en avalant mes flocons d'avoine. J'ajoute un carré de chocolat et me fais la réflexion que je devrais acheter des pépites pour rehausser le goût. Peut-être aussi du sirop d'érable. J'adore le sirop d'érable, surtout celui provenant du Québec.

Leon :

Pense à moi sinon 😉♥️🥰

Apolline :

Là, ça va mieux ♥️

Léon :

Tu vois.

Qu'est-ce qu'elle me manque. J'ai hâte d'être en avril pour prendre l'avion et la retrouver. J'ai prévu d'aller passer une semaine à Paris. Apolline aura passé les écrits de son concours, et j'ai plusieurs publicités à tourner pour des marques qui veulent ABSOLUMENT m'avoir pour tête d'affiche. D'après mon agent, avec ma « tête d'ange » et de « gendre parfait », je vais faire vendre un tas de shampoings, de parfum et de produits de rasage. Cela me fait toujours grimacer, mais j'ai conscience du fait qu'être sportif, c'est aussi représenter une image.

Depuis les JO, je ne suis plus simplement Léon Marchand, l'inconnu des bassins, le petit nageur ambitieux, désireux de surpasser Phelps, son idole.

Je suis devenu Léon Marchand, quintuple médaille olympique, star nationale.

Pas de pression.

Léon :

Je dois te laisser, je vais nager.

On s'écrit tout à l'heure ?

Apolline :

Oui. Nage bien, petit dauphin.

Léon :

Je t'aime, Miss Bénévole. ♥️♥️♥️

Apolline :

Je t'aime aussi ♥️♥️♥️

Apolline cesse de répondre. Je termine mon petit déjeuner, enfile un t shirt et un short rapidement et attrape mon sac de sport, direction la piscine. 

L'océan qui nous sépare : Léon Marchand et Apolline, la bénévoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant