Chapitre 16 - Photos et déjeuner officiel (Apolline)

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Assis sur ma chaise, j'observe Léon se faire prendre en photo. Le costume lui va bien, il n'a jamais été aussi beau qu'en cet instant (si on excepte la soirée de clôture des JO, parce que je ne me remets pas de son smoking). S'il n'était pas à l'aise au départ, il finit par se prêter au jeu. Quand c'est terminé, je me lève pour regarder les images prises. Elles rendent bien. J'espère que ce sera aussi bien une fois publiée.

— C'est fini, déclare enfin la photographe. Tu veux y aller ?

Elle me fait signe et j'hésite. C'est le travail de Léon, et même si j'ai accepté d'être coiffée, habillée et maquillée, est ce que je peux vraiment accepter ? Mon père, assis dans un coin où il lit sur son portable, relève la tête et croise mon regard :

— Si tu ne veux pas y aller, j'y vais moi, me lance-t-il, taquin.

— Papa !

— Eh bien quoi ? C'est Léon Marchand. Je suis sûr qu'il rêve d'être en photo avec le président du comité olympique.

— Ex président, rappelé-je.

Les JO sont terminés depuis huit mois, il est temps que mon père redescende sur terre.

— Allez, vas-y, me presse-t-il.

Je lève les yeux au ciel, puis rejoins Léon. Son sourire est magnifique. Il passe son bras au-dessus de mon épaule, je me rapproche de lui. Depuis hier, j'ai l'impression que quelque chose a changé entre nous. Pas uniquement parce que nous nous sommes rapprochés intimement, mais aussi parce que nous nous regardons différemment. L'histoire du jeune nageur timide et de la bénévole naïve a évolué. Nous sommes peut-être devenus plus matures, prêts à nous assumer officiellement.

Jusqu'à présent, nous avons fui la médiatisation. Avec la distance, nous en avons même profité pour disparaître de la toile, mais maintenant, j'ai envie de crier au monde que je suis avec lui et que je l'aime.

Qu'il est l'homme de ma vie.

— Vous êtes magnifiques tous les deux.

La photographe continue de nous prendre en photo. Mon père finit même par se joindre à nous et l'ensemble ressemble presque à un portrait de famille. Il ne manque que mes frères, Oscar et les parents de Léon. Il faudra qu'on pense à en refaire plus tard.

En ressortant, j'ai le cœur léger.

La photographe nous a envoyé les photos par mail, et a promis d'en faire imprimer certaines. Je profite du trajet jusqu'au restaurant que nous avons réservé pour les regarder. C'est rare que je dise ça, mais je me trouve jolie. Les photos rendent vraiment bien.

Nous marchons jusqu'au quartier Saint Germain, et mon père finit par s'arrêter.

— C'est ici, annonce mon père en désignant un restaurant.

St Germain est l'un de mes quartiers préférés avec le quartier latin. C'est un endroit typiquement parisien - ça plairait aux réalisateurs de Emily in Paris - et tous les bouquinistes se trouvent à proximité. Pour une fan de littérature comme moi, qui rêve d'enseigner le français, ça ne peut que me plaire. On est loin des piscines et de l'univers de Léon. Pourtant, il semble apprécier.

— C'est un joli restaurant, commente Léon en observant la devanture fleurie.

— Vous saurez retrouver le chemin ? demande mon père.

Léon et moi échangeons un regard teinté d'étonnement. Qu'est-ce qu'il veut dire ? Il ne reste pas déjeuner avec nous ? Avec un sourire, mon père nous tient la porte et à mon passage, il dépose un baiser sur ma joue et me dit :

— Profite bien.

Je me jette à son cou. Qu'est-ce que j'aime mon père.

— Merci Papa.

Il glisse à mon oreille.

— Tu m'as rappelé ta mère aujourd'hui, elle serait fière de toi. Et elle aurait adoré Leon.

Une larme roule sur ma joue. Mon père me serre contre lui, puis fait un clin d'œil à Léon avant de disparaître.

Un serveur vient nous trouver et nous entraîne vers une table à l'abri des regards derrière le restaurant, dans une cour ombragée. Léon tire une chaise pour que je m'assois et nous observons la carte quelques instants avant de la rendre au serveur après avoir passé commande. Enfin seuls, je vois le regard de Léon se poser sur moi, alors qu'il caresse ma main avec douceur.

— Je peux te poser une question ?

Étonnée, j'opine, et attends qu'il poursuive :

— Est ce que tu veux bien me parler de ta mère... j'ai l'impression que ... enfin... je ne veux pas t'obliger. Mais tu n'en parles jamais, alors...

Sa voix est hésitante. Il ne veut pas me blesser. Malgré cela, une autre larme roule sur ma joue. Ce n'est pas que je ne veux pas en parler. C'est juste encore douloureux, même si les années sont passées... Mais s'il y a bien quelqu'un à qui je peux raconter, c'est lui.

— Ma mère a eu un cancer, avoué-je. Elle s'est battue jusqu'au bout, mais ça n'a pas suffi. Elle est morte l'année dernière.

— Je suis désolée.

Moi aussi, c'était une femme pleine de vie, une Maman exceptionnelle. Elle nous manque beaucoup.

— Elle était prof elle aussi. C'est un peu pour ça que je veux devenir enseignante, pour poursuivre son engagement, répandre le savoir, faire comme elle. Être une prof passionnée.

— Et je suis sûre que tu vas y arriver.

J'espère. J'espère vraiment.

On nous ramène nos boissons, puis nos plats. Léon me tend un mouchoir, tout en continuant de caresser mes doigts. S'il me fallait une autre preuve que Léon est l'homme parfait, je viens encore d'en obtenir une. 

L'océan qui nous sépare : Léon Marchand et Apolline, la bénévoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant