les trois petit cochons 2

Chapitre 7

Le silence dans la cabane en ruines est épais, presque étouffant. Les louveteaux, assis près de moi, échangent des regards inquiets. Les trois petits cochons, Nifnif, Noufnouf, et Nafnaf, sont silencieux, chacun absorbé dans ses pensées. Je sens que quelque chose d'important se joue, quelque chose qui pourrait tout changer. Nous attendons tous le retour du Loup, et avec lui, la réponse à une question qui pèse sur nous depuis trop longtemps : la vérité sur ce qui s'est réellement passé.

Le temps semble s'étirer à l'infini. Le soleil, qui était encore haut lorsque nous sommes arrivés ici, commence à décliner, projetant des ombres longues et inquiétantes à travers les arbres. Je me demande ce qui se passe dans cette discussion entre le Loup et l'autre loup, celui qui semblait connaître la douleur de la perte.

Finalement, après ce qui semble être des heures, nous entendons des bruits de pas dans la forêt. Les louveteaux se redressent instantanément, leurs oreilles dressées, et je vois un mélange de soulagement et d'anxiété sur leurs visages. Les petits cochons se tendent également, prêts à tout.

Le Loup émerge de la forêt, seul cette fois. Son expression est grave, mais il y a quelque chose de différent dans sa démarche, une lourdeur qui n'était pas là auparavant. Il entre dans la cabane, et nous attendons en silence qu'il prenne la parole.

- J'ai beaucoup réfléchi, commence-t-il d'une voix rauque. Trop longtemps, j'ai laissé la haine et la vengeance me consumer. J'ai oublié ce que c'était de penser à autre chose qu'à ma propre douleur.

Il s'arrête, cherchant ses mots. Les louveteaux se rapprochent de lui, cherchant un réconfort silencieux. Le Loup les regarde, et un léger sourire triste traverse son visage.

- L'autre loup, celui qui est venu tout à l'heure, est un vieil ami. Il m'a rappelé des choses que j'avais enterrées profondément en moi. Il m'a rappelé que la vengeance ne ramène rien, qu'elle ne fait que créer plus de souffrance.

Il se tourne vers nous, les trois cochons et moi, et je peux voir la lutte interne qu'il mène pour continuer à parler.

- Vous avez le droit de savoir la vérité, dit-il finalement. Vous méritez de comprendre pourquoi tout cela est arrivé.

Nifnif, Noufnouf, et Nafnaf le regardent avec attention, prêts à entendre ce qu'il a à dire.

- Votre père... commence le Loup, sa voix brisée. Il faisait partie d'un groupe de chasseurs, des hommes qui ne voyaient dans les loups que des prédateurs à éliminer. Ma compagne, elle, n'était pas une tueuse. Elle était douce, aimante. Mais pour eux, elle n'était qu'une bête.

Il serre les poings, les souvenirs le traversant avec une intensité douloureuse.

- Ils l'ont capturée. Ils l'ont traînée ici, dans cette cabane, et... ils l'ont torturée, la forçant à révéler nos cachettes, nos moyens de survivre. Quand elle a refusé, ils l'ont... ils l'ont tuée.

Les mots du Loup tombent comme des pierres, lourds et chargés de chagrin. Je vois les trois cochons se crisper, leurs visages blanchir sous l'effet de l'horreur.

- Nous n'avions aucune idée, murmure Noufnouf, la voix étranglée. Il ne nous a jamais parlé de ça.

Le Loup hoche lentement la tête, compréhensif malgré tout.

- Je sais, dit-il doucement. Il a fait ce qu'il pensait être juste, protéger les siens. Mais dans sa quête de sécurité, il a oublié que nous, les loups, étions aussi des êtres vivants, avec des familles, des êtres chers.

Un silence pesant s'installe dans la cabane. Les louveteaux se serrent contre leur père, cherchant du réconfort. Le Loup, d'une voix plus douce, continue.

- Pendant des années, j'ai cru que la seule solution était de vous faire payer pour ce que votre père a fait. Mais maintenant, je vois que cela ne ferait que perpétuer la douleur. Rien ne ramènera ma compagne. Rien ne guérira complètement cette blessure. Mais peut-être qu'en trouvant un autre chemin, en apprenant à vivre avec cette douleur sans la laisser nous consumer, nous pourrons trouver la paix.

Je sens mes yeux s'embuer de larmes. Le Loup, cet être que j'avais d'abord perçu comme un monstre de conte, révèle une profondeur et une humanité que je n'avais pas imaginées. Il a souffert, tout comme ces cochons qui, sans le savoir, ont hérité d'une tragédie qu'ils ne comprenaient même pas.

- Que devons-nous faire maintenant ? demande Nafnaf, sa voix à peine plus qu'un murmure. Comment pouvons-nous avancer ?

Le Loup ferme les yeux un instant, comme s'il cherchait la réponse en lui-même.

- Nous devons trouver un moyen de vivre avec cette vérité, répond-il. De l'accepter et de continuer. Je ne vous demande pas de pardonner, ni d'oublier. Je vous demande simplement de ne plus laisser cette haine nous définir.

Les trois cochons acquiescent lentement, encore sous le choc de ce qu'ils viennent d'apprendre, mais déterminés à essayer. La conversation a été difficile, mais elle a ouvert une porte vers une possible réconciliation, une porte qui n'était même pas visible auparavant.

Lupa, la jeune louve, se tourne vers moi, ses yeux brillants de larmes non versées.

- Est-ce que cela signifie que tout peut redevenir comme avant ? demande-t-elle avec une innocence poignante.

Je secoue doucement la tête.

- Non, rien ne redeviendra comme avant, dis-je, sentant le poids de la vérité dans mes paroles. Mais cela signifie que nous pouvons construire quelque chose de nouveau, ensemble.

Le Loup pose une patte rassurante sur la tête de sa fille, une étincelle de fierté et de tendresse dans ses yeux.

- Nous allons essayer, dit-il simplement.

Et avec ces mots, quelque chose change dans l'atmosphère. Le poids de la haine, de la vengeance et du passé commence à s'alléger, remplacé par une lueur d'espoir, aussi fragile soit-elle. Nous savons que le chemin sera long et semé d'embûches, mais pour la première fois, nous sommes prêts à l'emprunter ensemble.

La nuit tombe complètement, mais cette fois, l'obscurité n'est plus aussi menaçante. Nous sommes tous réunis dans cette cabane en ruines, non plus comme des ennemis, mais comme des êtres qui ont décidé de chercher une nouvelle voie. Peut-être, juste peut-être, que cette histoire pourra se terminer par quelque chose de bien plus puissant que la vengeance : la compréhension et la réconciliation.