Chapitre 1

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Le crépuscule tombait doucement sur le campus universitaire, presque tout le monde rentrait chez soi. Je refermai mon livre d'algèbre d'un geste brusque et quittai la bibliothèque, exténuée par cette longue journée de cours. A l'extérieur, un léger vent du soir soulevait mes cheveux bouclés.

Mon Dieu, qu'il faisait frais !

Je remonta mon écharpe en cachemire et me dirigeai vers le parking des étudiants.

Comme à leur habitude, les deux hommes en costume impeccablement repassé m'attendaient à l'extérieur, postés devant leur berline noir. Mes gardes du corps, assignés à mon père dès mes 16 ans. Leur présence imposante, aussi rassurante qu'oppressante me rappelait constamment les chaînes invisibles qui entravaient la liberté.

Oui, après 20 ans d'existence, mes parents semblaient croire que je ne pouvais pas me débrouiller seule, qu'il était nécessaire d'avoir une protection constante ! Je ne les comprenais vraiment pas ! Je n'étais pas une célébrité ni la fille d'une personnalité publique. Ce n'était pas comme si j'avais des tueurs à mes trousses !

Enfin si... Depuis que j'ai découvert accidentellement les véritables activités de ma famille il y a quelques mois.

Un frisson me parcourut à ce souvenir. J'avais surpris une conversation téléphonique plus que suspecte qui laissait entendre que mon père était un haut parrain de la Bratva, la mafia russe. Lorsque je l'avais confronté, il n'avait eu d'autres choix que de m'avouer la vérité sur son empire criminel tentaculaire. J'avais alors compris que ces gardes du corps n'étaient pas là que pour me protéger, mais bien surveiller la fille du parrain et m'empêcher de représenter un danger pour ma famille.

Je soupirai, lasse. Ils m'avaient ordonné de rester en permanence à moins de dix mètres des gardes sauf à l'université, le seul lieu où j'étais une femme à peu près normale, sans les regards scrutateurs ni les murmures étouffés habituels. Car oui, se balader avec une voiture de luxe attire l'attention, de plus avec deux gardes du corps. Le premier homme au visage impassible et à la carrure imposante déverrouilla la portière arrière de la Porsche Panamera noire flambant neuve tandis que le deuxième agent s'installait derrière le volant. Je redressai fièrement la tête, ajustai correctement mon chemisier blanc Gucci et lissai ma jupe en tweed à carreaux signée Chanel.

C'était mon train de vie habituel, une routine bien huilée qui rythmait mes journées. Une routine à laquelle j'étais confrontée dès le berceau, née avec une cuillère en argent dans la bouche. Certains pourraient me qualifier de princesse à papa pourrie gâtée car je ne mettais que des vêtements et accessoires de luxe.

Oui et alors ? Qu'est - ce que ça pouvait bien leur foutre ?

Derrière leur voile de jugement, ils cherchaient simplement à affirmer leur propre importance en dénigrant les autres. Leur besoin maladif de se sentir supérieurs les poussait à critiquer et à condamner ceux qui ne correspondaient pas à leur norme étroite, comme l'idée préconçue qu'il faut être fine pour une femme. Mais pourquoi devrions - nous nous soumettre à leurs attentes superficielles dictées par la société ? Pourquoi devrions - nous laisser leur vision dicter notre vie ?

Ils essayaient constamment de me coller des étiquettes, de me ranger dans des cases bien définies. Depuis leur plus jeune âge, ils ne faisaient que ça : critiquer et juger sans prendre la peine de connaître réellement la personne, sans se soucier de son vécu et de son parcours. Une profonde amertume m'envahit à cette pensée. J'aurais aimé pouvoir leur crier que les apparences étaient trompeuses, que mon existence n'était pas un chemin pavé de rose malgré les luxueuses voitures et les vêtements de marque.

Mais je me contentai de les ignorer en m'installant dans le confortable siège, appréciant la texture du cuir sous mes doigts ainsi que l'arôme du matériau. Les vitres teintées dissimulaient l'intérieur. Les paysages familiers de la ville défilèrent sous mes yeux alors que la Panamera s'insérait dans la circulation dense. Après de longues minutes, la voiture s'arrêta devant le portail en fer forgé qui s'ouvrît pour nous laisser entrer dans la propriété.

The Price of SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant