Par-delà l'horizon - Bardella x Attal

Chapitre 8

— Tout va bien ?

Le regard tourné vers le lavabo, Gabriel observait l'eau couler sur ses mains. Malgré le fait que la porte des toilettes soit fermée, il pouvait entendre la musique tambouriner de l'autre côté.

— Gaby ?

Relevant lentement la tête, Gabriel observa le miroir devant lui et remarqua la présence de Liam. Le contraste entre son reflet et celui de son collègue était saisissant. La peau hâlée et le teint reposé de Liam étaient à l'opposé du sien. Il avait les yeux injectés de sang à cause de la fatigue, les traits de son visage étaient tirés, son teint livide. Il faisait peine à voir.

— Ouais, ça va, répondit-il en s'essuyant les mains.

Il n'y avait aucune conviction dans ses paroles et il n'essaya même pas de paraître sincère. Il entamait sa troisième semaine dans le carré VIP. Si les premiers jours avaient été calmes, Gabriel s'était vite rendu compte de l'enfer dans lequel il avait mis les pieds. Il ne comptait plus le nombre de fois où les clients lui faisaient des avances, qu'il refusait à chaque fois. Grâce aux pourboires que certains lui donnait, il avait réussi à rembourser tout ce qu'il devait et à combler le découvert sur son compte en banque. Si certains clients réagissaient correctement à ses refus, il y en avait d'autres qui n'étaient pas de cet avis et il était presque impossible de s'échapper de leurs emprises. Comme cet homme avec qui il avait passé la nuit, la veille. 

La simple évocation de ce moment lui fit monter les larmes aux yeux. Afin de les cacher, il baissa son regard vers le lavabo puis coupa l'eau avant de s'essuyer les mains. Son poignet était orné de traces violettes dû à la pression que son bourreau avait exercé sur sa peau. Si ces marques étaient les seuls vestiges de cette nuit, il se serait estimé chanceux. La plupart d'entre elles étaient dissimulées sous ses vêtements, mais d'autres demeuraient invisibles. Elles avaient élu domicile dans son esprit, marquant ce dernier au fer rouge et rejoignant les multiples souvenirs traumatiques qui emplissait son subconscient. 

— Tu veux en parler ? lui demanda Liam qui s'était approché de lui.

— Pour quoi faire ?

Son collègue le força à le regarder et Gabriel soutint son regard du mieux qu'il le pouvait. Un sourire triste étira les lèvres de Liam, alors qu'il passait son pouce sur sa lèvre inférieure pour essuyer une goutte de sang qui s'échappait de sa plaie.

— C'est une égratignure, s'empressa-t-il de dire comme s'il cherchait à se défendre.

— Tu devrais en parler à Hugh.

— Parce que tu penses qu'il en a quelque chose à faire ? renchérit-il. La seule chose qui l'intéresse, c'est l'argent.

— Si tu te fais passer à tabac par les clients, c'est son rôle d'intervenir.

Gabriel haussa les épaules sans rien ajouter. Il n'avait pas le temps de discuter davantage. Il appréciait la sollicitude de Liam qu'il considérait plus comme un ami que comme un collègue, mais il ne tenait pas à s'épancher davantage sur sa situation. 

Sans répondre, Gabriel quitta les toilettes pour rejoindre le bar. Il se saisit des boissons qu'une table lui avait commandées puis prit la direction du carré VIP. Lorsqu'il pénétra dans la salle à la lumière tamisée, son regard se posa immédiatement sur son patron en grande discussion avec le client qu'il avait remis à sa place quelques minutes plus tôt. Détournant le regard, il alla servir la table de l'autre côté de la salle en essayant de se faire discret, mais Hugh avait repéré son manège.

— Suis-moi. Tout de suite.

Le ton glacial et autoritaire qu'il employa suffit à faire frissonner Gabriel. Il sourit aux clients en s'excusant avant de suivre son patron dans un coin reclus de la salle. Cette dernière était pleine, toutes les tables étaient remplies de riches hommes d'affaires, d'influenceurs, de types suffisamment aisés financièrement pour se payer des boissons hors de prix et un coin tranquille pour la soirée.