𝙸 - 𝙻𝚄𝙲𝚈

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S E P T E M B R E




🌧️



L U C Y.




Rentrée des classes
6h37 du matin.
Coatbridge.




Cela fait maintenant dix mille quatre-vingts minutes que Dobby a disparu.

Dix mille quatre-vingts minutes d'angoisse et de désespoir, sans un signe de sa présence.

Il était le seul être que j'aimais plus que tout au monde, le seul réconfort que j'avais dans cette vie devenue chaotique.

Mon ancrage, le lien tangible avec un passé plus heureux, avec mon père qui m'avait confié ce chien comme ultime cadeau.

En regardant le calendrier, je me rends compte que ce début d'année est sans doute le pire que j'ai jamais vécu. Les années précédentes ont aussi été difficiles, mais rien à par la mort de mon père n'a jamais égalé l'intensité de cette douleur. La disparition de Dobby a creusé un vide béant dans ma vie, un gouffre qui semble se remplir uniquement de larmes et de désespoir.

Je suis assise dans ma chambre, essayant de me concentrer sur l'acte banal de m'habiller en uniforme pour l'école. Saint Andrew est une école mixte, fréquentée par des garçons et des filles de tous horizons. Le simple fait de m'habiller me paraît presque absurde dans ce contexte.

Nous avons déménagé cet été, comme nous le faisons chaque année depuis la mort de mon père. Chaque déménagement est censé être une chance de tout recommencer, mais chaque fois, je me retrouve à fuir le même harcèlement, les mêmes difficultés. Ce changement incessant, bien que parfois une bénédiction en soi, me laisse souvent avec le sentiment que rien n'est vraiment stable dans ma vie.

J'ai l'impression de perdre le contrôle.

Cette année a été particulièrement terrible. En plus d'être la nouvelle, je faisais face aux moqueries cruelles de mes camarades sur ma situation. La mort de mon père est constamment utilisée comme une arme contre moi, et mon apparence devient un sujet de ridicule. L'humiliation est omniprésente, et la douleur d'être jugée pour quelque chose que je ne peux pas contrôler rend chaque journée encore plus lourde.

Je serre les dents, tentant de masquer le chaos intérieur, en face de moi sur mon bureau, les affiches que j'ai commencé à placarder dans toute la ville espérant que quelqu'un me le ramène.

Il va renter.

Ma queue de cheval soigneusement attachée, j'enfile mes lunettes de vue, qui dissimulent en partie mes yeux. Trop voyants, trop différents. C'est pour cela que je me maquille rarement, presque plus depuis un certain temps.

Depuis que je suis petite, j'ai du mal à accepter cette particularité physique. Beaucoup trouvent l'hétérochromie fascinante, un trait unique et captivant. Mais pour moi, c'est un fardeau, une marque visible qui m'a toujours isolée. Là où d'autres voient une curiosité, je vois une différence qui m'a souvent fait me sentir à part.

J'ai bien tenté de masquer cette différence par divers moyens, mais je ne supporte pas l'idée que l'on touche à mes yeux. Les lentilles de contact ? Hors de question. Je préfère encore endurer les regards, aussi furtifs soient-ils, plutôt que de ressentir cette gêne constante.

Mon hétérochromie, bien que discrète comparée à d'autres, me tourmente malgré tout. L'un de mes yeux est d'un marron si foncé qu'il semble presque noir, tandis que l'autre est d'un vert noisette. Avec mes lunettes, cette différence passe presque inaperçue.

WreckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant