𝚅𝙸𝙸 - 𝙻𝚄𝙲𝚈

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S E P T E M B R E





⛈️






L U C Y.


Le 16.
St Andrew.
10h du matin.


Assise en salle d'étude, je suis au bord de la fenêtre, la joue contre la vitre froide. Les gouttes glissent le long de la vitre en traînées déformées, comme si elles traçaient leur propre chemin vers l'oubli. Il pleut sans arrêt depuis une semaine, comme si le ciel était en deuil et que le monde entier était en train de s'effondrer sous le poids de la vie.

La tempête, qu'ils disent. Elle balaye tout, de Glasgow à Édimbourg, et nous, ici. Autant dire que nous sommes en plein dedans, pris au piège dans ce déluge incessant. Le vent siffle parfois si fort que les fenêtres tremblent, comme si elles allaient se briser à tout moment. Je les envie, ces fenêtres. J'aimerais pouvoir me fissurer aussi, exploser en mille morceaux, mais à l'intérieur.

Deux semaines. Cela fait deux semaines depuis la rentrée et pourtant j'ai l'impression que rien n'a changé. Je reste coincée, incapable de me plier à ce qu'on attend de moi. Les profs parlent de productivité, d'excellence, de réussite, mais tout ce que je ressens, c'est l'écrasement. Comme si chaque demande, chaque exigence était un nouveau poids sur mes épaules, et je plie sous cette charge.

Chaque jour un peu plus.

Je suffoque.

Je devrais me concentrer sur mes devoirs, sur les manuels ouverts devant moi, mais mes pensées s'échappent toujours vers le même point sombre : Luna Waldorf. Cette fille, avec son nom qui semble tout droit sorti d'une série, m'obsède bien malgré moi. Quand j'ai entendu son nom pour la première fois, un rire amer m'a échappé. Waldorf, comme dans cette vieille série. La peste parfaite, incarnée. À croire qu'elle s'en inspire, à moins qu'elle ne soit tout simplement née avec la méchanceté dans les veines.

Il ne lui manque que le diadème.

Depuis la rentrée, elle est là, quelque part, à roder autour de moi. J'essaie de l'éviter. Je l'esquive dans les couloirs, fais en sorte de ne jamais croiser son chemin. Mais il suffit que je m'aventure dans son champ de vision, et aussitôt, je le sens. Ses yeux posés sur moi, ce regard qui me transperce comme si elle cherchait une faille, une faiblesse à exploiter. Et bien sûr, elle trouve toujours quelque chose à dire. Ses remarques sont tranchantes, brutales, lancées comme des poignards déguisés en sourires.

Toujours prêtes à me rabaisser, à me rappeler que je ne suis pas à ma place.

Elle ne me pourchasse pas comme certaines autres l'ont fait dans le passé. Elle n'a pas besoin de m'humilier en permanence. Non, elle sait que je suis là, et quand l'envie lui prend, elle me rappelle, d'une manière ou d'une autre, que je ne suis rien d'autre qu'une distraction pour elle.

Le pire, ce sont les rumeurs. Celles qui m'ont précédée ici, comme des fantômes traînant derrière moi. Ce qui s'est passé dans mon ancien établissement a suivi son propre chemin, se glissant dans les couloirs, dans les conversations chuchotées, jusqu'à ce que tout le monde semble connaître une version déformée de moi. Les gens me regardent de travers, certains curieux, d'autres méprisants, mais toujours avec ce jugement silencieux dans leurs yeux, ça les obsède tous, comme si c'était la seule chose qui me définissait désormais.

Je devrais être habituée, et d'une certaine manière, je le suis. J'ai appris à vivre avec ces regards, ces murmures. À chaque fois, c'est la même chose. Un cycle bien huilé, répétitif, comme une machine qui ne s'arrête jamais. Mais cette fois, quelque chose en moi refuse de se laisser écraser.

WreckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant