Chapitre 16

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PDV Dimitri

Je suis littéralement gelée. Traverser la ville de pierre en pleine matinée de décembre, ce n'est pas la meilleure des idées.

Je suis littéralement gelée. Traverser la ville de pierre en plein mois de décembre n'était peut-être pas la meilleure des idées. Le froid mord mes joues, et mes mains tremblent malgré mes gants.

- Dimitri ? murmure Anastasia, sa voix à peine audible.

Je me tourne vers elle. Elle est emmitouflée dans son manteau, le menton caché derrière l'épaisse laine, ses cheveux bruns formant un contraste saisissant avec le blanc environnant. Elle relève un regard vers moi, ses yeux bleus brillant d'une tristesse dissimulée. Elle continue à voix basse, comme si elle avait peur que ses paroles se brisent dans l'air froid :

- Tu veux bien...me parler un peu de ta famille ?

Sa voix n'est qu'un souffle alors que mon cœur se serre. Je sais ce qu'elle cherche. Elle essaie d'oublier. D'oublier cette lettre, d'oublier ses propres fantômes qui la hantent.. Alors, dans un souffle, j'essaye d'oublier moi aussi mes souvenirs douloureux et commence à parler doucement.

- J'ai toujours grandi au manoir, dis-je en fixant mes pas sur les pavés givrés. Mon grand-père, puis mon père après lui, étaient conseillers du Tsar . J'ai baigné dans cette richesse et cette loyauté. La maison grouillait d'hommes en tenue de combat, je l'ai regardé parfois s'entraîner en rêvant d'être comme eux un jour.

Un sourire nostalgique effleure mes lèvres, mais il s'efface aussi vite que les souvenirs reviennent. Ma voix baisse un peu quand je continue :

- Puis...quelques jours après mon dixième anniversaire, ma mère a attrapé le typhus. Je m'arrête un instant, sentant une pointe de douleur percer ma gorge. Les images de cette époque reviennent avec une clarté douloureuse. Elle a passé plusieurs jours à se battre, en vain. Les médecins ne me laissaient pas l'approcher. Trop contagieuse qu'ils disaient, soufflais-je d'une voix amer. Je n'ai même pas pu lui dire au revoir. Mon père s'est isolé, s'enfermant pendant des semaines dans son bureau pour fuir la réalité. Sans son rire et son odeur, je me souviens que la maison me paraissait étonnamment froide. Je ne me sentais plus chez moi. A partir de ce moment, c'est Olga qui m'a élevé, puis quand j'ai été suffisamment grand, j'ai tout fait pour m'entraîner. Plus dur et plus ardemment que les autres.

- Tu recherchais l'admiration de ton père...murmure-t-elle, ses paroles douces comme une caresse. Je hoche la tête lentement, laissant la vérité de ce passé me traverser.

- J'aurais fait n'importe quoi pour qu'il soit fier de moi.

- Il l'était, tu sais ?

Je la regarde, surpris par sa certitude. Peut-être qu'elle a raison. Peut-être qu'il l'était, mais je ne l'ai jamais su. Il ne me l'a jamais vraiment dit. Je finis par hausser les épaules, détournant le regard vers le ciel gris.

- Peut-être, mais un jour j'ai arrêté de vivre pour lui. Je crois que c'est à partir du moment où Alex est arrivé avec nous. Il était si petit...et pourtant, lui, n'avait plus rien. Alors je me suis juré de le protéger envers et contre tout. J'ai fait en sorte qu'il garde toujours cet éclat d'innocence dans les yeux, qui ne grandisse pas trop vite. Je l'ai gardé à l'écart de nos affaires, je l'ai appris à marcher, à parler, aider à lire et écrire, appris pas mal de bêtises aussi, continuais-je en expulsant un petit rire.

Elle se tourne vers moi en s'arrêtant de marcher. Je fais de même, un sourire nostalgique imprimé sur les lèvres.

- Aujourd'hui, c'est lui qui t'admire.

Ses mots me touchent plus profondément que je ne l'aurais imaginé. Un instant, je reste là, à la regarder, incapable de répondre. Je lui souris comme toute réponse. Nous reprenons le chemin du refuge, perdu chacun dans nos pensées. Le froid mord toujours autant, mais la douleur qui pesait sur mes épaules semble un peu moins lourde. Peut-être qu'en parlant de tout ça, j'ai commencé à laisser partir une partie de ce passé. Peut-être que c'est le signe qu'il est temps de faire le deuil. Le deuil de mes parents, mais aussi du garçon que j'étais, celui qui vivait pour l'approbation d'un père absent.

Anastasia (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant