Anastasia (En Réécriture)

Chapitre 18

Je me tiens droite dans le bureau d'Ivan, la pièce plongée dans une semi-obscurité, éclairée seulement par la lueur vacillante d'une lampe à huile. L'odeur de cuir et de vieux papiers flotte dans l'air, mais c'est la tension qui occupe le plus d'espace. Ivan est assis derrière son bureau massif, une carte dépliée devant lui, ses yeux scrutant chaque détail avec une intensité qui ne laisse aucun doute sur la gravité de la situation.

Il lève enfin les yeux vers moi, et je sens la pression de son regard. Nous sommes seuls ici, mais l'enjeu est si grand qu'il semble que le poids du monde repose sur nos épaules. Ma gorge est sèche, et mes pensées tournent en boucle. Pourquoi est-ce que je m'apprête à faire ça déjà ?

- Je suppose que tu as bien réfléchi, commence-t-il d'une voix rauque, brisant le silence. Tu sais ce que ça représente ? Ce que tu risques, ce que nous risquons tous ?

Je hoche la tête, mais il ne semble pas convaincu. Il pose ses mains sur la table, s'appuyant en avant, son visage grave.

- Je ne vais pas te mentir, Anastasia. C'est une mission suicide. Tu vas entrer sur leur territoire, sous leurs conditions, et tu devras convaincre un homme qui a probablement déjà pris sa décision de t'éliminer. Sa voix est ferme, sans détour, mais pas brutale. Juste une évaluation réaliste de la situation. Antonov est un stratège impitoyable. Il déteste les Romanov et tout ce qu'ils représentent. Pour lui, ta famille symbolise tout ce qu'il veut détruire.

Je déglutis, consciente du risque mais incapable de reculer maintenant. J'ai pris cette décision, et bien que la peur serre ma poitrine, je ne peux plus faire marche arrière. Si je faiblis maintenant, je condamne tous ceux qui comptent sur nous. Je ne peux pas permettre un autre massacre.

- Je comprends le danger, Ivan, dis-je finalement, ma voix calme malgré le tourbillon qui gronde en moi. Mais si je peux éviter une guerre frontale, je dois essayer. C'est ce que mon père aurait voulu. Il croyait toujours à la discussion, à une solution pacifique. Je ne peux pas l'ignorer.

Ivan reste silencieux un moment, son regard perçant semblant vouloir lire au fond de mon âme. Puis, finalement, il soupire, résigné.

- Très bien. Je ne peux pas te retenir.

Il se redresse et passe une main sur la carte devant lui, désignant plusieurs points stratégiques.

- Voici ce que tu dois savoir. Nous serons là. Son doigt pointe plusieurs endroits marqués autour du lieu choisi pour la rencontre. Nous aurons des hommes armés, cachés dans les bois autour du périmètre. Si ça tourne mal, si Antonov tente quoi que ce soit, nous interviendrons. Mais tu dois comprendre que cela signifie probablement une bataille ouverte, et je doute que tu en sortes vivante.

Je frissonne à cette pensée, mais je garde les yeux fixés sur la carte. Je dois rester concentrée, même si chaque fibre de mon être tremble à l'idée de ce qui pourrait mal tourner.

Ivan reprend, plus doucement cette fois :

- Je ne t'envoie pas à l'abattoir sans protection, Anastasia. Antonov a accepté la rencontre, mais il reste un homme dangereux. Il va essayer de te déstabiliser, de te faire douter, et peut-être même de te manipuler. Ne le sous-estime pas.

Je ferme les yeux un instant, essayant de me visualiser cette rencontre. Antonov... cet homme dont j'ai entendu tant de récits. Un meneur impitoyable, un révolutionnaire aux méthodes brutales, mais aussi un stratège, un homme qui comprend le pouvoir des mots et des alliances. Je dois trouver un moyen de l'atteindre. Je dois lui montrer que le sang versé n'est pas la seule issue.

Mais malgré mes efforts, mes pensées se détournent de cette confrontation imminente et reviennent sans cesse vers lui. Dimitri. Son absence résonne dans la pièce comme un fantôme. Il me manque. Ses paroles tranchantes lors de notre dernière dispute me hantent toujours. Pourquoi est-il resté si distant depuis cette nuit ? Pourquoi a-t-il refusé de me soutenir dans cette mission ? Ses reproches, ses regards fuyants me déstabilisent bien plus que je ne veux l'admettre.