Chapitre 8 (Corrigé)

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Je n'ai toujours pas calmé les battements de mon cœur suite aux paroles de Sergeï, qu'un brouhaha explose dans la pièce. Les murmures deviennent des cris et le bruit est tel que je n'entends plus mes propres pensées. Pourquoi faut-il que les hommes se coupent toujours la parole et parlent aussi fort ?

A côté de moi, Sergeï expire rageusement. Ce n'était manifestement pas la réponse qu'il attendait. Tant mieux. Il se lève et prend appui sur un mur afin de monter sur la petite estrade. De là, il contemple toute l'assemblée et personne ne peut rivaliser avec son aura de puissance. Ses cheveux et sa barbe grisonnante reflète parfaitement la lumière du sous sol et sa carrure est impressionnante. Je suis suffisamment proche de lui pour voir de ma place, la légère cicatrice qui strie son avant bras et sentir son odeur forte de fragrance.

Sa voix imposante suffit à entamer le silence dans l'assemblée, et tous les yeux se braquent dans notre direction. Je l'ai déjà vu mainte fois imposer le respect, mais à chaque fois, cela me surprend.

Cependant, aujourd'hui je ne réussis pas à écouter la suite de son discours. Quelque chose dans l'air me trouble. Je sers mes mains moites l'une contre l'autre, et essaye de maîtriser ma respiration pour faire disparaître ce mauvais pressentiment. Mais mon embarras s'amplifie et l'air devient poisseux autour de moi. Je mets ça sur le fait que nous sommes une dizaine, regroupés dans le sous sol sans fenêtre, et que la mauvaise humeur ambiante me donne la nausée.

Néanmoins, je connais ce sentiment. Le même que j'avais eu la nuit où les soldats se sont introduit dans le palais. Je chasse ce mauvais souvenir de mon esprit, tandis que mes sens sont en alerte.

Mais ce qui me perturbe, c'est qu'avec le bruit qui règne dans la pièce, impossible de savoir ce qui se passe au-dessus de nous. Même en tendant l'oreille.

J'essaye de me concentrer sur les mots de Sergei, mais mon estomac se noue de plus en plus et la terreur s'insinue en moi. Je cherche le regard de quelqu'un pour me rassurer. Me dire que tout va bien, que je suis en sécurité.

Pourtant, la seule personne à laquelle mon regard s'accroche semble aussi troublé que moi. Dimitri se détache du mur et marche dans la pièce vers notre direction. Cependant, il a à peine fait deux pas, que des coups de feu se font retentir à l'étage.

Cette fois-ci, je n'ai pas rêvé, il se passe quelque chose !

La plupart des hommes présents dans l'assemblée n'ont même pas le temps de dégainer avant que les tirs ne remplissent l'espace confiné. Les balles fusent, le sang coule et les cris d'agonie sont les seules choses que j'entends.

Je suis projeté au sol par quelqu'un, et un corps me protège des éclats de balles faisant barrière entre moi et le reste du monde. Une douleur se réveille toutefois. Mais celle-ci n'a rien de physique. Elle est purement psychologique et la scène s'entremêlent avec le passé. L'armée rouge. Je reconnaîtrais ce symbole n'importe où.

Je n'arrive pas à me relever, mon corps est pétrifié. Je sens la personne au-dessus de moi se redresser et je tourne mon visage vers Dimitri le remerciant d'un simple regard. Mais celui-ci ne me voit pas. Son regard reste figé derrière moi, comme s' il venait de voir un fantôme, et il se précipite vers un corps gisant à terre, quelques pas derrière moi.

C'est là que je comprends.

Sergeï...

Il était monté sur l'estrade pour se faire entendre et sans le savoir il s'est positionné en première ligne. Un trou béant est creusé dans sa poitrine à l'emplacement de son cœur. Je ne vois pas son visage, mais le sang qui recouvre le sol à ses pieds m'indique qu'il n'y a plus rien à faire. Le bruit des balles se floute au loin et je ne vois qu'un garçon qui pleure dans les bras de son père. Les suppliques de Dimitri m'arrivent à peine aux oreilles mais pourtant je sais ce qu'il dit. Les derniers mots d'un enfant à son père, auquel, il n'a pas dit "je t'aime" aussi souvent qu'il l'aurait voulu.

Anastasia (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant